Le roman des Morand, histoire d'une correspondance

Le fonds Morand

Le fonds Morand est conservé aux Archives municipales de Lyon sous la cote 14II principalement. Il est constitué des archives de la famille Morand de Jouffrey depuis le XVIIème siècle jusqu'au début du XXème siècle. Jusqu'au moment de leur dépôt par la famille en 1978 puis en 1994, les lettres ont fait l'objet d'un soin tout particulier de la part de la famille qui les a triées, numérotées, étiquetées, entreposées à l'abri de l'humidité, de la poussière et de la lumière. C'est ainsi que ce fonds, qui compte une centaine de cartons, nous est parvenu dans un état de conservation remarquable. On y trouve plusieurs milliers de lettres, des dossiers, agendas de voyage, listes de toutes sortes, ordonnances de médecin, de multiples gravures, dessins, estampes, des tableaux, des cartes, et un très grand nombre de plans dessinés et peints par l'architecte Jean Antoine Morand. Il a déjà donné lieu à trois expositions et fait l'objet de plusieurs monographies. Voir également le descriptif détaillé du fonds dans la page Mentions Légales.


La correspondance

La correspondance ici rassemblée est principalement à deux voix bien qu'elle concerne trois individus : Antoine Morand de Jouffrey, son épouse Magdeleine Guilloud et sa mère Antoinette Levet. Elle commence en 1794, lorsqu'Antoine quitte Lyon pour s'exiler à Briançon. Elle se termine en 1812, au décès d'Antoinette.

La plupart des lettres envoyées par Magdeleine ont été brûlées, à sa demande (il en reste 5 pour la période 1794-1812). On compte 213 lettres d'Antoine à Magdeleine. Dans la correspondance entre le fils et la mère, toujours sur cette période, on a gardé 65 des lettres d'Antoine, contre 53 lettres d'Antoinette.


Lieux de réception

Lieux d'écriture

Le plus souvent, Antoine écrit à sa femme lorsqu'il est à Paris pour les affaires relatives à la gestion du pont. Il lui écrit plus rarement de Grenoble, lorsqu'il se déplace auprès de sa mère, ou de Lyon. Les lettres d'Antoinette sont presque toutes écrites de Grenoble, où elle habite à partir de 1798. Quant aux lettres de Magdeleine, elles sont écrites soit de Lyon, où elle demeure en hiver, soit de Machy où elle vit en été ; celles qu'on a conservées font exception, puisqu'elles concernent le court séjour qu'elle fait à Grenoble pendant l'hiver 1807-1808. On retrouve, sur ce site, les lieux d'écriture et de réception de chacune des 348 lettres qui forment cette correspondance.

On découvre également, en consultant l'index des noms propres, qu'Antoine, Magdeleine et Antoinette se situent au centre d'un réseau social étendu. Ont été indexés 337 individus, dont certains sont l'objet d'une brève biographie.


L'histoire

Cette histoire familiale, la correspondance échangée, mais aussi des événements de l'histoire lyonnaise, nationale ou littéraire de cette époque sont retracés sur une frise chronologique.

Antoine Morand de Jouffrey, né en 1760, est un notable lyonnais héritier de l'immense fortune accumulée par ses parents, l'architecte Jean Antoine Morand et son épouse Antoinette Levet. Il a fait des études de droit et exercera la fonction de juge, tout en consacrant une grande partie de son temps à la réparation, à l'entretien et à la gestion du quartier des Brotteaux, ainsi que du pont Morand, construit par son père et détruit pendant la Révolution. Il habitera successivement rue du Plat, rue Saint Dominique puis rue des Deux Maisons (toutes trois situées autour de la place Bellecour). Il se marie en 1785 avec une riche héritière, Magdeleine Guilloud. Le couple aura trois enfants, Albine, James et Eléonore.

Leur correspondance commence en 1794, époque à laquelle Antoine choisit de s'exiler à Briançon, pour échapper à d'éventuelles poursuites. Son père, emprisonné en novembre 1793, accusé d'avoir détruit son pont pour couper l'avancée des troupes républicaines assiégeant Lyon, sera guillotiné en janvier 1794.

Cette correspondance conjugale se poursuivra à chacune de leurs séparations, soit parce qu'Antoine doit se rendre à Paris pour obtenir les moyens de financer les réparations du pont, soit parce que l'un ou l'autre se rend auprès d'Antoinette Morand, à Grenoble. Elle concerne donc les années 1796, 1801, 1802, 1804, 1807. Quelques lettres, éparses, ponctuent les creux entre ces dates, lorsqu'Antoine reste à l'appartement à Lyon et que Magdeleine séjourne au château de Machy, au nord de Lyon.

Cette correspondance conjugale se double d'une autre correspondance qui vient utilement éclairer les moments où le couple, réuni, ne s'écrit pas. Il s'agit des lettres échangées entre Antoine et sa mère Antoinette entre 1798 et 1812 : suite à un conflit autour de l'héritage, Antoinette quitte définitivement sa ville de Lyon pour vivre, avec sa belle-sœur, non loin de chez sa fille Eléonore de Besson à Grenoble.

Plusieurs moments forts ponctuent les vies de ces trois personnes : le départ en exil d'Antoine à l'automne 1793 ; l'exécution de Jean Antoine Morand, en janvier 1794 ; le procès entre le fils et la mère, en 1796 ; le départ d'Antoinette pour Grenoble, en 1798 ; l'obtention d'un décret pour le doublement du péage en 1796, puis d'une loi pour l'exemption d'impôts en 1801, pour le pont ; les discussions pour le mariage d'Albine, en 1805 ; le décès d'Albine en 1807, et le conflit qui s'ensuivit entre Antoine et Magdeleine pendant l'hiver 1807-1808. Enfin, ce qui clôt la correspondance ici retranscrite, le décès d'Antoinette en 1812.


L'édition

L'édition numérique de la correspondance se fera en plusieurs étapes. Le présent site comprend 348 lettres. Une deuxième vague de numérisation et de mise en ligne débutera en 2015. Les lettres ont été transcrites au format XML TEI. Vous pouvez consulter l'ensemble du corpus transcrit au format TEI XML (fichier teiCorpus - dernière version : 10 mars 2014). Le schéma TEI suivi et sa documentation sont consultables également sous forme d'un fichier ODD (One Document Does it all).

La plus grande partie de cette correspondance a été retranscrite. Nous avons cependant écarté les comptes-rendus, souvent fastidieux, de l'argent dépensé et gagné ; le récit parfois répétitif des visites rendues ; les infinies salutations et recommandations lorsqu'elles n'apportaient pas d'éléments d'information. Pour pallier ces absences, dont le choix est tout à fait subjectif, cette retranscription se double d'une édition numérique permettant de se reporter à l'intégralité des lettres manuscrites.

Nous avons ajouté, en revanche, des textes qui ne forment pas, à proprement parler, de la correspondance. Ainsi, ce quatrain recopié à la main par Antoine, sur le tutoiement. Ou bien le mémoire sur son histoire physiologique, remis au médecin Louis Vitet.

Afin de faciliter la lecture et la compréhension de ces lettres, nous avons également rétabli l'orthographe moderne. Les fautes d'accord, nombreuses, ne nous ont pas paru intéressantes à conserver, même pour une histoire de la langue.

En revanche, nous avons maintenu l'orthographe, souvent évolutive, des noms propres. La particule, notamment, se promène, au gré des gouvernements : collée au patronyme pendant la période de la Terreur, parfois disparue, on la voit réapparaître et se distinguer lorsqu'il redevient avantageux d'afficher sa noblesse, comme sous l'Empire. D'une manière plus générale, les noms sont orthographiés comme on les entend, et selon une écriture parfois difficile à déchiffrer. Contrairement aux noms communs, le doute sur une lettre ne s'éclaircit pas à la lecture globale du mot. Une lettre entre un t et un e peut aussi bien être un h qu'un r, par exemple. Seule la répétition de ces noms propres permet, à la fin, de les identifier de manière certaine. 337 noms ont ainsi été identifiés (voir ici l'index complet des personnes citées), avec parfois plusieurs orthographes entre lesquelles nous n'avons pas souhaité trancher.

Machi, qui aujourd'hui s'épèle Machy, n'est pas orthographié de la même manière par Antoine, qui emploie le i, que par les documents officiels de l'époque qui utilisent déjà le y. Nous n'avons rien rétabli, choisissant ici de privilégier la préférence du scripteur.