Lettre de Magdeleine à son époux Antoine, 3 février 1810
Expedié depuis : Lyon
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J'espère bien, mon bon ami, avoir de tes nouvelles aujourd'hui et j'ai promis à Mme Sain de lui en faire donner, il n'y aurait que le cas où vous ne seriez pas arrivés mercredi avant le courrier et alors il faudrait donc bien attendre jusqu'à demain. Mme la Petite a été tout étonnée que je t'aie déjà écrit et que je recommence aujourd'hui, je la vis ici un moment hier matin, elle me fit cependant demander le soir ton adresse ainsi il y a apparence qu'elle va suivre mon exemple ou qu'elle y est peut-être forcée pour quelqu'affaire, elle dîne demain chez Mme Parens et Emile ici, elle m'a promis pour mardi quoique je n'aie point d'homme ; nous n'avons vu personne jeudi et je m'y attendais. M. Henry et M. de Châteauvieux sont fort enrhumés, M. de la Noue ne m'est point venu voir je ne sais à quoi attribuer cette conduite, ils ne sont vraiment pas dans cette famille comme les autres, il faut n'y pas faire attention aussitôt que le temps sera plus doux j'accompagnerai Azélie chez sa tante pour remplir tous les devoirs. Mme Dubouchet fut celle qui vint nous tenir compagnie, elle est toujours attentive et occupée de son objet ; M. Baboin a été mardi chez M. Carthan et chez M. Ballai pour dire à tous deux que le grand froid l'avait empêché d'aller visiter l'objet dont on lui avait parlé, mais qu'il avait toujours les mêmes intentions, il ajoute toujours qu'au reste on ne peut que faire de mauvaises affaires en achetant à la campagne, on peut y croire parce que suis un bon calculateur.
Le petit James a l'air dans ses lettres à sa mère de tenir furieusement à une de ces nouvelles places, il a d'abord parlé pour Lyon mais à présent il s'annonce pour en désirer une quelque part que ce soit et l'on voit bien qu'il a un peu d'ambition ce qui fâche beaucoup sa mère, pour moi sans autre intention j'aurais souhaité pour notre James voir celui-là se fixer ici, tu feras sûrement des questions à M. Derbouville à cet égard, M. Cochard me dit l'autre jour chez Mme Follin qu'il mariait sa fille à un Crillion, ajouta aussi qu'il était question de beaucoup de changement pour les préfets qu'on parlait de revenir aux intendances et que M. d'Erbouville deviendrait avec ce titre es. c.
J'ai reçu hier une lettre de James à ton adresse, il y est assez plaisant, mais ce qu'il y a de fâcheux, c'est que M. Duclos qui me vint voir sut du portier que tu étais à Paris et l'a dit à Grenoble ; James n'y croit point et prétend que comme M. Duclos est un peu sourd il aura entendu Paris au lieu de Machy. Car d'après nos intentions je lui dis que tu étais à la campagne, James enfin ne te croira pas malade en recevant ta lettre, il est dans le fort de son travail et en para ît comme à l'ordinaire bien tourmenté, mais il doit approcher du terme de ses peines.
J'ai reçu une lettre de ma sœur qui m'a satisfait beaucoup, elle parle avec beaucoup de force et de résignation ; la visite de Mme Follin lui a fait plaisir, elle me charge de mille choses pour toi.
Nous fumes passer hier la soirée chez Mme Bailla ; Mme Poulin me donna une bien belle nouvelle qui s'est débitée au Cercle, que Bonaparte faisait son palais impérial aux Brotteaux, qu'on prenait tous les terrains qui se trouvaient entre le pont de pierre et le pont Morand, qu'on placerait le palais en face des Cordeliers, on ajoutait que nécessairement le Gouvernement achèterait le pont, qu'on en construirait un en pierre en face du palais, que le terrain aux Brotteaux allait devenir bien précieux, etc. enfin tu es à la source pour en connaître la vérité, cela me paraît bien un peu dénué de vraisemblance. Cependant Mme Poulin le donnait comme certain, ainsi va aux renseignements et si cela était possible je crois qu'il y aurait bien du pour et du contre pour nos intérêts et qu'il serait bien important de ne pas perdre de vue cette grande affaire ainsi tous les voyages à Paris seraient de quelqu'utilité et tu feras bien dans ce moment de profiter de ce petit séjour pour y voir toutes les personnes qui seraient dans le cas de te servir utilement dans plusieurs parties je présume que la lettre que tu n'as pas faite ici à M. Beugnot tu la feras à Paris, car enfin il ne peut pas être éternellement absent de la capitale.
Ce qu'il y a de bien pénible c'est que le froid qui avait extrêmement diminué hier a repris aujourd'hui ; il fit un beau soleil et on croyait presqu'au dégel ; je fus le matin à Fourvière qui est le jour d'obligation pour moi j'eus beau et bien chaud. Le thermomètre n'était qu'à 9 le matin et il est revenu aujourd'hui à 8, ce qu'il y a de mieux c'est que le baromètre est presqu'au variable. Le temps est très couvert et il faut croire que le changement de quartier de la lune nous en fera aussi éprouver ; j'ai vu M. Tisseur qui comme tu sais est toujours très rassurant, M. Marion qui ne négligera rien de ce qui sera utile. Le Rhône ne chariait point hier l'après dîné, on dit que l'eau en est chaude ; j'avais oublié ma destination pour hier matin et j'ai manqué M. Avanchy qui a pris la peine de venir et a dit qu'il repasserait ; je ne voudrais pas tarder à le voir et je pourrais bien lui écrire un petit mot pour éviter de nous manquer une seconde fois.
J'appris l'autre jour avec étonnement qu'Eugène partait pour Paris,
je lui envoyai de suite ton adresse et je pense qu'il cherchera sûrement à te voir ; si
tu es dans ce cas là je ne serai pas fâchée que tu le consultas sur une emplette que je
vais le prier de me faire (mais tu voudras bien ne pas t'en écarter). Je marchande
depuis longtemps un châle qui est ici du prix de 5 à 6 louis, on les dit un peu moins
cher à Paris et
Je te charge de dépenser et tu n'as point d'argent, je désire toujours davantage que tu en puisses faire. Du petit trésor, je vais te désigner aussi tout de suite ce qui peut faire plaisir à Léo ; en faisant une affaire quelconque avec un joilier (sic), tu pourrais obtenir peut-être en sus une paire de boucle d'oreilles de coraille (sic) c'est ce dont elle avait le plus d'envie, pour assortir au collier que lui a donné Honoré , elle avait espéré qu'il compléterait son cadeau cette année, Eugène pourrait aussi te dire ce que lui ont coûté celles de sa sœur. Voilà des objets de dépense, tandis que nous devrions n'y pas penser dans aucun cas et surtout si cette promenade se fait en partie à tes frais mais j'aime à compter sur le bon esprit du moine à cet égard et dans le fait vous méritez bien d'être traités comme ceux qui vous ont précédés ; il est près de midi je n'ai point encore de lettre, le courrier se rendit fort tard hier, adieu j'ai bien rempli mon grand papier, j'espère que ta santé ne se trouvera pas mal de cette courses nous t'embrassons.
Dans la marge de la deuxième page : « Mme Sain n'a pas renvoyé chercher l'adresse, je suis persuadée que dans ce ménage il calcule même les ports de lettres, fais mes compliments au moine , j'espère bien que vous ne vous êtes pas séparés ; Honoré est toujours à Curis, le petit choux se porte bien, la tatan Léo est toujours la même, a un heureux caractère pour elle et pour nous adieu encore une fois. »