Lettre d'Antoine à son épouse Magdeleine, 3 décembre 1807 ?
Expedié depuis : Lyon
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[...]...cette fille m'a fait comme à l'ordinaire bien enrager, et il paraît que quand elle a eu quelque chose à sa disposition la maison même est exposée par son défaut de tête. Mais je m'en rapporte à ce que tu en décideras. [...] ... ce que tu m'as écrit m'a fait la plus grande peine, j'avais répondu très longuement à ta déclaration positive mais de déclarations en déclarations nous pouvions aller bien loin, j'ai tout déchiré.
Serait-il vrai que tout fut détruit, comme tu me l'as souvent dit ; et que l'enfant que nous pleurons eut absorbé toute la portion de bonheur à laquelle ma famille pouvait prétendre ; après avoir vécu dans la plus grande union, et nous être toujours entendus sur nos affaires, une division résultante de notre manière différente de sentir, va-t-elle ajouter à nos peines, et retomber par ses suites incalculables sur les enfants qui nous restent et auxquels nous devons même soins même tendresse ?
Je n'ai pu me dissimuler dans mon malheur que malgré mon attachement j'étais presque sans influence sur ton esprit et sur ton cœur, j'en ai été navré et la manière dont tu tranches dans une chose qui apporterait tant de changements dans mon existence ne me prouve que trop combien l'excès de ta douleur te rend injuste vis-à-vis de celui qui la ressent plus vivement que la sienne presque.
Telle est maintenant notre situation et comment espérer qu'elle puisse changer ; si je garde Machy je suis sans attachement pour toi et ne crains pas de t'exposer à une vie affreuse et dont les suites doivent abréger ton existence ; voilà le résultat de tout ce que tu m'écris ; si tu m'obliges à le vendre, je reste profondément blessé de l'idée que tu n'es en aucune manière retenue par la crainte de me laisser dans mon chagrin sans aucun moyen de distraction et de m'enlever la consolation que je trouve dans un local qu'elle aimait tant, que tes enfants aiment aussi, où ton gendre ne craint pas de venir pleurer avec moi. Je m'examine bien à cet égard, j'ai toujours fait jusque-là tout ce qui pouvait t'être agréable et dans toutes les circonstances importantes j'ai suivi ta volonté, ici je sens qu'il m'est impossible de m'y conformer, et que si tu persistes à exiger de moi ce sacrifice il me faudrait bien du temps pour m'accoutumer à cette idée et qu'à moins que ton malheur ait atteint chez toi tout autre attachement, tu ne tarderais pas ensuite à regretter de m'avoir fait prendre un parti qui répandrait tant d'amertume sur ma vie qui pouvait cependant nous offrir encore des moyens de consolation, lorsque tu cesserais de les rejeter et de les fuir.
Mais, ma chère amie , je suis rentré du palais pour t'écrire un mot et vais à l'hôpital où nous avons une assemblée extraordinaire et je vois que je cause trop longtemps et me livre malgré moi à une discussion que je désire éviter. Quelles que soient mes intentions, ma tendre amie , je ne peux croire que ton attachement pour moi ne soit pas le même, jamais je n'en eus plus besoin et ce que je sens bien c'est que j'aime mieux renoncer à une vie qui m'est devenue bien à charge, que d'ajouter aux peines de celle que je voudrais pouvoir consoler, maintenant que je ne peux plus la rendre heureuse. Je t'embrasse de toutes les forces qui me restent et vais faire ce que je pourrai pour aller te retrouver dimanche.