Lettre d'Antoine à son épouse Magdeleine, 31 août 1796

Expéditeur : Antoine Morand
Expedié depuis : Paris

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Transcription

A la citoyenne Morand Jouffrey dans le domaine de Machy commune de chasselai par la petite poste, à Lyon.
Paris, le 14 fructidor l'an 4.

14 ii 035 3 037

Papier à lettre à en-tête, Égalité Liberté, Commission des travaux publics. Sur l'enveloppe, ie sur le dos de la feuille, un tampon « Mtre de l'intérieur. ».

Hier m'est parvenue, ma bien bonne amie , ta lettre du 8 de ce mois, elle m'a fait plus de plaisir que les autres parce qu'elle était plus longue, je craignais bien cependant d'être privé du plaisir de te répondre, depuis hier matin je travaille continuellement à mettre au net quelque chose que j'ai déjà refait plusieurs fois à cause des changements qui sont devenus nécessaires. Je viens d'en porter quelques feuilles à un copiste pour les transcrire et vais rentrer chez moi pour continuer mon travail ; cependant comme je suis à une lieue de la poste, j'ai prié M. Fontaine de me permettre d'écrire un mot chez lui et c'est d'où me vient cette feuille de papier à belle image.

La commission est composée de Rambaud , Richaud et Nugues  ; le second est dit-on celui qui était à Lyon avec Letellier, cependant je n'en ai pas encore la certitude parce que je n'ai pas pu le rejoindre, quant au représentant Nugues , il est de Vienne en Dauphiné, connaît bien ma famille et mon affaire, m'a témoigné le plus grand intérêt et il paraît que je dois de la reconnaissance à M. Pastoret pour la composition de la commission. Je n'ai rien à faire maintenant que d' et de voir tous ceux qui peuvent m'être de quelque utilité et de préparer le rapport et la décision de l'affaire.

Je t'avoue que la lettre de M. Avandy m'a donné un peu d'humeur, pourquoi se faire un monstre d'un accroissement de péage nécessité par l'impossibilité d'obtenir autre chose du gouvernement ; je ne trouve ici que des gens qui ne voyent pas à cela le moindre inconvénient ; il est singulier que ce soit maintenant à moi de me justifier auprès de mes associés de mes succès, si j'en obtiens, certainement je n'ai pas pu balancer à suivre la marche qui m'était tracée par notre pétition au département, par l'avis de cette administration et par les pouvoirs qu'on m'a donnés en m'envoyant à Paris. Je l'ai pu d'autant moins que je n'avais pu obtenir aucune autre espèce d'indemnité puisqu'on ne veut pas seulement entendre parler de l'exemption de l'impôt. Aussitôt que le plus pressé sera fait je vais adresser à M. Broglie à Grenoble et à M. Averdy à Lyon des observations sur cet objet parce qu'il est bien important que vis-à-vis du public nous ne paraissions pas divisés entre nous sur un objet de cette importance. Ils feront au reste ce qu'ils voudront ensuite, et abandonneront s'ils le veulent leurs droits. Mais pour moi, je n'ai pas de terreur panique et ne veux pas avoir fait un voyage inutile. Certainement le péage à un sou ne produira pas le double du péage ancien, mais je compte qu'il doit produire au moins quinze mille livres de plus chaque année ce qui multiplié par cinq avancerait bien nos réparations.

Ce qui me désole dans cette affaire c'est de voir ma bonne mère (qui ne cesse par sa conduite d'être en opposition avec les sentiments de tendresse qu'elle veut que je lui suppose) préférer un parti qui me serait infiniment onéreux sur la froide espérance qu'alors elle jouirait de tous les revenus et que je serais obligé d'avancer tous les capitaux. Mais il ne faut pas parler de ce qui me fait tant de mal, tout ce qu'elle fait depuis longtemps vis-à-vis de moi est adroit et injuste, la défiance continuelle qu'elle me montre excite la mienne et j'avoue que je suis aussi aigri que désolé de la conduite qu'elle tient à mon égard ; où trouverons-nous donc un ami commun qui fasse cesser la position cruelle où je me trouve vis-à-vis d'elle et qui seule me rend malheureux ?

[...]

Je serai je crois obligé d'écrire à M. Dupeuple pour le prier de me faire compter ici 25 louis, depuis quelques jours je m'en vais grand train et sans qu'il y ait de ma faute, cependant moyennant l'argent de Second je crois que j'aurais été jusqu'au bout, mais mad. Narbonne a besoin de 20 louis ; il est singulier de prêter aux autres quand on vit soi-même d'emprunt, mais il est impossible de refuser pour mille et une raisons ; si elle pouvait me les rendre avant mon départ alors je ne prendrais rien de M. Depeulle mais cela n'est pas vraisemblable, au reste j'en fais mon affaire auprès de lui et lui en écrirai un de ces jours.

[...]

Je suis obligé de finir ma lettre, que ce Fontaine trouve sûrement un peu longue, je serre tant que je peux pour pouvoir t'écrire plus de choses ; il paraît que vous avez bien fait les fous, entre nous quand les demoiselles sont d'un âge bien mûr il faut bien qu'elles se décident à entendre la plaisanterie, mais je sais que celle de Mollier et Siclet est un peu vigoureuse ; je n'ai rien compris au billet de Morand ; si ce n'est qu'il chassait et faisait la cour à ma femme , qu'il ne réussissait pas au premier article mais bien au second je me serais bien passé de cette découverte ; sur le reste du billet je consulterai des gens qui ont l'habitude de ces affaires et t'enverrai la réponse. D'un autre côté madame qui s'ennuyait à Machy quand j'allais l'y voir tous les huit jours, s'y amuse beaucoup depuis que je suis à cent lieux d'elle, en vérité tout cela est fort galant.

Mille baisers à mes enfants, qu'Albine m'excuse, il m'est impossible d'écrire et je suis vraiment fatigué de tout le papier que je barbouille depuis deux jours. Léo ne veut donc pas pondre des dents ; j'en suis d'autant plus fâché que cela va retarder le moment d'en débarrasser la nourrice ainsi que la naissance de son petit frère.

[...]

Adieu ma tendre amie , malgré mes raisons de te bouder, je t'aime toujours, bien plus que moi-même et de manière à ne trouver de vrai bonheur que dans ton tendre attachement ; je t'embrasse de tout mon cœur.


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