Lettre d'Antoine à son épouse Magdeleine, 7 mars 1812

Expéditeur : Antoine Morand
Expedié depuis : Grenoble

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Transcription

A Madame Morand de Jouffrey, rue des deux maisons, à Lyon.
Du samedi 7 mars 1812

Antoine décrit le partage des petits bijoux, des fourrures d'Antoinette, de la dentelle entre Olimpe et Louise (Louise, de l'avis de Morand, avec le ton « très convenable », disant à tout ce qu'on lui proposait : comme vous voudrez ou comme ma sœur et mon père voudront). Besson regardant tout mais se tenant bien. Le partage a duré trois heures.

S'y dit fâché que sa mère n'ait rien laissé à Léo : mais elle avait, dit-il, si peu de choses en bijoux que cela devenait impossible ; elle lui en avait témoigné ses regrets, d'ailleurs.

[…] j'ai cependant été plusieurs fois au moment de faire quelque proposition pour avoir le dé d'or ou le flacon de cristal garni en or, ou le petit crayon aussi garni d'or mais cela m'a paru si difficile à traiter que j'ai laissé aller les choses et n'ai heureusement rien dit. On s'est bien conduit vis-à-vis de Marie , elle est satisfaite de ce qui lui a été donné. J'ai accompagné Mad. Duboys , je suis rentré ensuite au salon, le père et les deux filles étaient auprès de la cheminée Olimpe est venue à moi et m'a présenté l'étui en or en me priant en son nom et en celui de sa sœur de l'accepter pour Léo  ; j'ai été enchanté de cette attention et en ai témoigné à mes nièces toute ma satisfaction ; j'ai dit que je ne doutais pas qu'elle n'eût le plus grand plaisir à avoir quelque chose qui eût appartenu à sa bonne maman, mais que je ne voulais pas qu'on lui laisse ce qui valait le mieux et que j'accepterais pour elle le dé ou le flacon ; Olimpe a insisté fortement, le père a dit que l'idée était absolument de ses filles mais qu'il les approuvait fort. Alors j'ai accepté mais j'ai dit que Léo viendrait avec toi et que je ne voulais pas priver ses cousines de lui donner cette preuve d'égards et de bonne amitié à laquelle j'étais bien sensible.

Tout cela pourra peut-être bien nous embarrasser en définitive, mais j'en ai été très touché. J'espère que Léo en sera satisfaite ; j'ai été le soir en faire part à Mad. Duboys et témoigner à Olimpe tout le plaisir que m'a fait sa conduite dans cette circonstance.

Voilà de mon côté, ma chère amie , un grand article, j'espère qu'il te fera plaisir, celui dans lequel tu es entrée ma chère amie sur l'affaire du pont ne m'a pas été très agréable ; s'il n'y a point de contretemps je regarde que nous aurons été et continuerons d'être peut–être suis injuste mais je sens que depuis quelque temps j'ai de la défiance. Il serait inouï qu'on ne s'entende pas assez bien pour faire dans une affaire de ce genre et pour régulariser une recette considérable, tout ce qu'exige la prudence et l'usage établi dans toutes les comptabilités possibles. M. B. (ou S) n'est bon qu'à boire bouteille avec le receveur, et faire égaliser les allées.

Quant aux fonds qui resteraient en caisse, ma chère amie , je suis bien éloigné d'être de ton avis et persiste plus que jamais au mien ; en ce qui nous concerne cela ne peut faire aucune difficulté vis-à-vis de s. ce résidu serait incontestablement à lui, il faut aussi rendre les 4000 f car dans l'état actuel des choses, il ne restera pas plus de 10 à 12 en caisse c'est-à-dire à se partager ce qui ferait 300 à 350 par action.

Mais cela ne peut pas avoir lieu et sans le besoin que nous avions d'argent, je n'aurais pas laissé fixer aussi haut le dividende des actions ; le moment où il diminuera n'est peut-être pas loin et cela produira alors le plus mauvais effet. Comment peux-tu dire que ce partage fera monter les actions à vendre ; un capital destiné à faire face aux réparations peut seul produire cet effet, tandis qu'un partage de ce qui excéderait le dividende déjà porté très haut, fera sentir à tout acquéreur prudent qu'il achète la certitude d'avoir au Premier échec, ou lors d'une grande réparation qui est inévitable, a subir un appel de fonds extraordinaire.

Cette mesure serait désastreuse j'ai trop d'intérêt dans cette affaire pour y jamais consentir, toutes les économies que l'on fera doivent être placées, déposées même sans intérêt s'il le faut, pour s'assurer qu'on ne les perdra pas ; mais de grandes réparations sont à faire, il faut garder pour y faire face, nous le devons, je le dois particulièrement, puisqu'il faut veiller à l'exécution des lois que j'ai obtenues.

J'espère qu'à cet égard on sentira la force de nos raisons mais si elles ne faisaient rien, quoiqu'il en dut arriver de gênant pour l'avenir, ma chère amie, je ne le dis qu'à toi, mais j'aurais recours à l'autorité pour l'empêcher ; il ne faut pas seulement trouver dans le produit un revenu représentatif des fonds qu'on y a versé, il faut encore conserver les moyens de réparer et entretenir, tout le monde est prêt à recevoir personne ne le serait à rapporter et on verrait ensuite la totalité de la recette être employée même malgré nous à payer les ouvriers quand il faudrait faire le platelage du pont.

Il paraît que tout cela se mènera bien vite, je vois avec la plus grande peine qu'il y a bien peu d'ordre dans cette affaire, et qu'on s'entendra moins que jamais dans le moment cependant où elle est la plus belle. Qu'on se rappelle que les actions rendaient de 15 à 1600 fr avant le siège qu'on compare le produit actuel et qu'on sache user sans abuser. [...]

Agrafées à cette double page, deux feuilles volantes, numérotés 2. et 3.

[...] J'étais je crois en colère ma chère amie , au moins j'écrivis ab irato. Je viens de la messe et les réflexions qu'on est dans le cas de faire en priant pour ceux qui ne sont plus, disposent à sentir combien on est fou de s'agiter dans cette vie de passage et qu'il est pénible de perdre en discussions et en tracasseries le peu de moments qu'on y passe.

[...]


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