Lettre de Magdeleine à son époux Antoine, 6 février 1810

Expéditeur : Magdeleine Morand
Expedié depuis : Lyon

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Transcription

Adresse ?
Lyon, ce mardy 6 février 1810

C'est seulement hier, mon cher ami, que j'ai reçu la première nouvelle de votre arrivée à Paris, et c'est ta lettre du 1er février qui m'est parvenue, comme dans celle-là tu ne me parles en aucune manière de votre voyage, etc. et au contraire de ce que tu as fait la veille il est clair qu'il y a eu une lettre de perdue et c'est un grand guignon que cela ait porté sur la plus intéressante, il faut même que ce soit à Paris où l'événement a eu lieu, car M. Victor a eu la complaisance depuis le samedi de se tenir informé si je n'avais point de lettre, heureusement qu'il était constant que les courriers retardaient beaucoup ce qui diminuait mon inquiétude et Mme La Petite avait une si grande sécurité qu'elle m'en procurait un peu ; tu vois cependant comme ton exactitude à m'écrire a été essentielle pour moi dans cette occasion car si cette seconde lettre n'eut pas suivi de près la première, nous serions encore à attendre, je crois qu'il faut autant que tu le pourras t'assurer toi-même qu'elles soient mises exactement à la poste ; je présume que sûrement vous êtes arrivés le mardi comme le courrier, que tu m'avais écris au moment et que le commissionnaire ne l'aura pas porté à la poste, enfin tout est réparé, je vois avec plaisir que vous vous portez bien, que tu parais un peu satisfait de ton voyage et je ne doute pas qu'il ne te soit utile à plusieurs égards, quoique je désire te revoir promptement, je sens pourtant qu'ayant tant fait que te donner la peine de te déplacer dans ce moment, il vaut mieux le prolonger de quelques jours de plus dans l'espoir de le rendre profitable, car il faut encore du temps pour se mettre au courant et revoir plusieurs fois ses connaissances.

J'aime bien à croire que M. le maire te sait quelque gré de ce voyage, il me semble aussi que vous devez être bien reçus partout et cela ne peut que faire un bon effet auprès de tes anciennes connaissances, nous saurons aussi par les journaux le moment de votre présentation, si elle a eu lieu dimanche alors il ne vous reste plus qu'à prendre quelques bons dîners, et Le Moine sera peut-être fort pressé de revenir, je souhaite que tu lui fasses prendre patience autant que cela sera nécessaire et pour lui les mêmes raisons peuvent exister, il doit lui être convenable de se faire connaître.

Je suis fâchée, mon cher ami, d'avoir à te dire que je n'ai point été contente de M. Avanchy , il vint hier matin et je n'avais pas encore reçu ta lettre ; mais il n'entra point dans les raisons qui ont pu te décider à ce voyage, il n'y voyait aucun but d'utilité pour la Compagnie ; que cependant il ne s'opposerait en aucune manière à ce que tu désirais, mais qu'il ne le prendrait pas sur lui, que pour peu que tu fasses connaître l'avantage qui résulterait pour eux de ce voyage, l'assemblée générale qui devait avoir lieu au printemps ne manquerait pas d'y souscrire, tu sens tout ce que j'ai pu lui dire et il s'en faut que j'aie insisté et la visite n'a pas été longue ; il finit par me dire qu'il désirait te voir parvenir même à une place de sénateur, regardant par conséquent que ton voyage avait quelque but particulier pour toi ; tout cela prouve combien les affaires de Compagnie sont peu satisfaisantes ; tu leur as cependant rendu de bien grands services et je t'assure que lorsque tu trouveras l'occasion de faire tes affaires particulières au milieu de tout cela tu auras raison de ne pas la laisser échapper et de n'y mettre que les égards indispensables. Trouverais-tu un grand inconvénient à en écrire un mot à M. Hélie ou à Besson , car il est difficile que le secret soit bien gardé, je suis bien persuadée que Tisseur est de bonne foi sur ce qu'il dit à cet égard, mais je présume qu'il en avait déjà prévenu M. Avanchy , qui n'en a pas été plus raisonnable, mais qui peut déjà en avoir parlé, et il me semble que M. Hélie a toujours été très juste et fort honnête, comme il n'y a pas de doute que tu ne fasses même dans ce voyage le bien de la Compagnie déjà tu as parlé du , etc. il serait souverainement ridicule que l'on fît la moindre observation sur une chose d'aussi peu de conséquence et dont tu fais pour ta part les plus grands frais. Il me dit cependant qu'il était fort aise de te voir au conseil municipal ; il me parla aussi de la grande nouvelle que je t'ai donnée au sujet du palais à placer aux Brotteaux ce bruit s'accrédite ici, Hubert me dit hier que l'ingénieur en avait parlé, si tu pouvais croire utile que je le vis à cet égard tu me le marquerais, car tu dois savoir à Paris s'il en est question ; M. Avanchy disait bien que dans ce cas le gouvernement achèterait le pont et qu'il faudrait qu'il le paya bien et solidement ; alors il ne serait donc pas fâché d'avoir de bonnes connaissances à Paris.

Tout ce qu'il y a de bon à te dire, c'est que le Rhône n'a point pris et qu'aujourd'hui, le dégel nous est arrivé tout de bon, ce dont je suis fort aise et veillera à tout ce que tu recommandes dans ta lettre.

J'ai fait toutes les commissions auprès de Mme la Petite qui souscrit à tout ce que tu désires pourvu que j'y donne mon consentement, ainsi tu vois que voilà une affaire bien avancée, car dans ce genre les femmes sont si bonnes qu'on y peut compter. Je lui fis donner de suite des nouvelles, elle vint le soir un moment, elle est d'une grande folie lorsqu'elle est à Lyon et même sans son grognon , sur le compte duquel elle a le bonheur de ne point prendre d'inquiétude et d'attendre bien patiemment ses lettres qui n'arriveront que lorsqu'il aura quelque chose de nouveau et c'est ce qui la met elle-même dans le cas de lui écrire ; elle vient dîner aujourd'hui avec nous et Emile (dont Azélie est amoureuse) tu vois que j'ai bien vite oublié le peu d'empressement de certaine chose ; il faut toujours les regarder comme de bons amis et ne jamais toucher une corde sensible pour tout le monde et peut-être encore plus auprès d'eux ; elle est bien persuadée que vous serez remboursés de vos frais, et tu sens si j'aime à le croire et si cela nous convient ; à la vérité il serait bien convenable à M. Fay de trouver un biais pour cela, c'est le meilleur moyen de vous témoigner sa reconnaissance. Je reçus hier une lettre d'Honoré , son but était surtout d'avoir de tes nouvelles et heureusement que je pus lui répondre le soir, il para ît ne vouloir quitter Curis qu'au moment de ton retour, tu sens combien je l'engage à revenir plus tôt, ce séjour dans ce temps-ci à Curis me paraît peut utile, il me dit qu'il a beaucoup d'ouvriers, sa chère petite se porte bien, te fait ses compliments et veut que tu viennes l'embrasser, elle est toujours plus gentille.

Marge de la page trois :

J'ai reçu une lettre de Besson , il est très en peine du Rhône, on le dit gelé à Grenoble (sic) et je compte le rassurer par le courrier d'aujourd'hui et écrire demain à James  ; Léo t'embrasse ; son humeur est toujours la même ; elle prit hier soir une première leçon de danse qui paraît l'amuser beaucoup, c'est d'un fameux qui a été le maître de Retty.

Marge, page deux :

 j'ai fait auprès de M. de Limas une commission de James il m'a accordé ce que je désirais et te fait ses compliments ; Mme Dujonches dînera demain avec nous, elle n'a point encore de réponse de M. Baboin , elle compte bien sur les renseignements que tu auras la complaisance de prendre, et lui indiquer ce qu'il faut faire pour parvenir à celle de Lyon.

Marge, première page :

Mes compliments au grognon de Mme La Petite qui ne se doute pas de tous les complots qu'on forme contre lui et moi, je suis bien aise de la communauté de Paris et ne doute pas que le minou n'aye bien soin de lui, la mine le charge particulièrement de trouver le moyen bien raisonnable de ne pas faire la guerre à ses dépends ; je t'embrasse de tout mon cœur.


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