Lettre d'Antoine à sa mère Antoinette, 3 avril 1808
Expedié depuis : Lyon
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[...] Que je suis désolé ma chère maman de la lettre que je vous ai écrite, et combien elle était déplacée et faite pour ajouter à vos peines.
En revenant du Palais, ma femme qui avait relu attentivement la lettre de James avec Honoré et qui y avait vu que vous étiez sortie de chez vous à 6 heures du matin et aviez passé la journée dehors, me communiqua ses inquiétudes et ses doutes ou plutôt elle eut l'attention de ne m'en parler que le lendemain matin parce que j'étais un peu malade ou pour mieux dire fatigué.
D'après ses observations et la lecture de la lettre de mon fils je ne doutais plus qu'un nouveau malheur ne fut venu nous frapper, mais il me parut évident qu'une lettre avait été perdue.
Cette lettre du mardi 29 nous est parvenue aujourd'hui il y a un quart d'heure avec un timbre au dos qui annonce qu'elle est allée à vienne et il n'y pas sûrement de la faute de mon fils car l'adresse est parfaitement mise.
D'après ce que je vous explique, ma chère maman , vous sentez que je n'ai point été étonné, mes réflexions après avoir lu la lettre de James du 31 ne me laissaient malheureusement plus de doutes, mais encore une fois combien j'ai été vivement peiné de vous avoir écrit dans le sens où je l'ai fait, agréez en mes excuses, ma chère maman , ce tort là est bien involontaire et il est assez malheureux pour votre fils que sa position et les circonstances ne le mettent pas dans le cas de partager auprès de vous toutes vos peines, il les ressent si vivement !
Quant à ma tante la manière prompte dont elle s'est séparée de nous, et la tranquillité de ses derniers moments, sont déjà une récompense de ses vertus, mais pour nous qui lui survivons pour nous déjà usés par de grandes douleurs…… nous sommes bien à plaindre, vous surtout ma chère maman qui perdez une compagne aimante et attentive qui partageait vos peines et s'empressait d'avoir pour vous les soins et les égards que vous aviez toujours eus pour elle.
Nous désirons bien tous, et ma femme me charge de vous en assurer, que votre santé soit assez fortifiée pour venir avec mon fils passer la quinzaine de Pâques en famille ; un lit au salon pour vous, celui de mon cabinet pour James , un pliant pour marie et nous serions ensemble non pas gaiement, cela n'est plus possible, mais au moins en cherchant mutuellement à rendre nos peines plus supportables en les partageant. Voyez, ma chère maman , ce que vous pouvez faire, quant à mon fils je sais que quel que soit son empressement de nous voir il ne vous quitterait qu'avec la plus grande peine dans le moment où il peut vous être le plus utile ; ce pauvre enfant est éprouvé bien jeune par des chagrins que je n'ai connus que beaucoup plus tard ; sa lettre à sa mère (celle que nous venons de recevoir) prouve combien il est profondément affecté et depuis longtemps ; il est cruel à son âge de vivre dans la douleur ; je le recommande à votre tendresse maternelle et vous prie de veiller à ce qu'il fasse un peu d'exercice et se livre aux distractions qui peuvent s'allier avec la position où se trouve depuis longtemps notre triste famille.
Je préviendrai M. Tisseur , il a payé Goujon avant-hier et vous me rendez service de retarder de quelques jours si cela se peut toutefois.
J'espère, ma bien bonne maman que dieu proportionnera vos forces au courage dont vous avez tant de besoin, voyez l'état dans lequel est réduit votre fils, prenez soin plus que jamais d'une vie qui lui est si précieuse et n'ajoutez pas à son désespoir en négligeant tout ce qui peut tendre à rétablir et conserver la santé de son excellente et malheureuse mère !
Ps. J'embrasse James de tout mon cœur, et l'assure de toute ma tendresse.