Lettre d'Antoine à son épouse Magdeleine, 17 novembre 1807
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J'attends Honoré , ma tendre amie , il doit venir dîner avec nous, partir ce soir pour Lyon et demain partir pour Chateauvieux avec Victor . Hier soir il fut obligé de retourner à Curis pour bien des petites choses et surtout me dit-il pour embrasser encore Azélie avant son petit voyage.
C'est aujourd'hui jour de lessive mais depuis plus de deux heures il pleut et je ne sais comment ces femmes peuvent tenir à un pareil temps.
[...]
Je n'ai pas été dimanche à la messe craignant d'être à l'église la tête découverte, je n'ai pas décidément mal à l'œil mais il est un peu faible, je ne veux pas entreprendre de mettre des sangsues, je craindrais encore plus les vésicatoires et tous les soins que cela entraîne, il faut espérer qu'avec l'attention de ne pas boire de vin pur j'en serai quitte pour la peine.
A six heures du soir Ma lettre a été interrompue par l'arrivée d'Honoré ; il m'a annoncé en entrant qu'il n'irait point encore à Chateauvieux ; que M. Monicault ne partirait que dans 8 jours, et il m'a témoigné avec la sensibilité que tu lui connais, qu'il était bien aise que cela lui rendît sa liberté pour pouvoir me tenir un peu compagnie. Je lui en sais gré et il me rend service car le mauvais temps ne permettant pas trop d'être dehors il fait bon ne pas être seul avec ses idées.
Je te dirai que la pluie a cessé à deux heures, que les femmes n'ont point interrompu leur journée, que tout a été fini avant la nuit et que comme je l'ai toujours entendu dire, la lessive est excellente et le linge d'un blanc superbe.
Léo a des sabots, elle en est parfaitement contente et a conduit et ramené deux fois de l'étang un âne chargé- ce qui a décidé M. Vincent à en faire autant. Cette bonne petite, ma compagne de chambre est d'un caractère égal et heureusement assez gai ; elle a pris une fureur d'échecs, Honoré a bien de la peine à se défaire d'elle et pour moi elle m'a fait échec et mat deux fois hier ; je suis bien fâché de n'avoir pas un peu joué avec James parce que j'aurais pu quelques fois guerroyer avec toi et tu sens bien que malgré tous les progrès de Léo à ce jeu-là je ne me flatte pas de l'apprendre par ses leçons. [...]
Adieu ma tendre et excellente amie, il fut un temps où j'aspirais à te rendre heureuse, puissé-je maintenant parvenir à t'aider à supporter la vie, nous ne pouvons plus prétendre au bonheur mais il nous reste bien des consolations et quelque terrible que la providence ait été à notre égard, ce serait lui manquer sans doute que de repousser celles qu'elle nous laisse. Je t'embrasse de toute mon âme.
J'espère bien ne pas tarder à recevoir de tes nouvelles et ferai bien déjeuner le facteur pour qu'il soit exact et me donne le temps de te répondre. Léo et Honoré qui jouent aux échecs près de moi te disent mille choses tendres et à leur frère James . Ils ajoutent de ne pas les oublier auprès de leur bonne maman et de tous leurs parents de Grenoble connus et inconnus.