Lettre d'Antoine à son épouse Magdeleine, 17 juin 1807

Expéditeur : Antoine Morand
Expedié depuis : Paris

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Transcription

Adresse ?
Paris, le mercredi 17, à midi et demi

Il est impossible, ma bonne amie, d'avoir plus d'humeur et découragement que j'en ai eu depuis hier 5 heure du soir jusqu'à tout à l'heure, mais je ne veux pas te la (sic) faire partager, ni m'amuser à te faire des contes ; mon affaire a passé (sic) hier au conseil d'état et le double péage est continué pour dix années.

Il faut t'expliquer maintenant ce qui m'est arrivé ou pour mieux dire comment cela s'est passé mais, soit dit absolument entre nous, les pauvres solliciteurs vis-à-vis des hommes puissants sont encore plus à plaindre que les plaideurs vis-à-vis des juges, qui au moins ne se conduisent pas aussi légèrement, mais encore une fois, que ces détails dont Seugnot, sa femme, sa fille et moi venons de bien rire ensemble, soient absolument entre nous. [...]

A prévenu tout ses contacts (Cretet, montalivet etc). Est allé attendre chez Seugnot dès trois heures : à cinq heures lui dit que la séance a été levée tôt, sans parler de son affaire, à cause de l'archi chancelier.

[...] Tu sens combien cette nouvelle me donna de la tristesse. J'avais de la peine à la surmonter et sentais cependant la nécessité de faire quelques frais de conversation et de profiter de l'occasion de connaître encore un conseiller d'état (M. Serlier). Je revins le soir à Paris avec ce dernier, sa femme et sa belle-sœur qui pour parenthèse s'appelle Eleonore. Ce matin, aussitôt que j'ai pu me présenter chez Seugnot, je suis entré dans un cabinet, j'avais l'air de bien mauvaise humeur , ce qui l'augmentait encore, après des plaisanteries sur ce qu'hier M. de Montolivet, M. Cretet et autres intéressés à me servir et lui-même n'avaient pas entendu parler de mon affaire, je perdis patience et lui disais qu'à présent je ne comptais plus sur rien, depuis plus de quinze jours l'affaire avait été renvoyée par le ministre, que j'étais ballotté sans cesse du mardi au samedi et du samedi au mardi et qu'il n'y avait pas de raison pour que cela finisse &...

Mais m'a-t-il dit, je crois bien que ton affaire ne passera pas, mais parce qu'elle est passée et je crois même que c'est depuis samedi... j'ai d'abord vu qu'il plaisantait ; alors il m'a expliqué que M. de Montolivet, M. Cretet et d'autres lui avaient dit lorsqu'il arriva au conseil qu'il n'en n'avait pas été question. En sortant il fut au secrétariat pour recommander que cette affaire fut mise au rôle pour samedi prochain, on lui dit qu'elle était passée, mais il ne put vérifier le fait à l'heure qu'il était et ne savait pas à quelle séance.

Après de bons rires de sa part sur la manière chaude dont mes amis m'avaient défendu au conseil, (que je ne partageais pas trop encore car je craignais qu'il ne fut mal instruit) il m'a donné un billet pour son secrétaire au conseil d'état, je m'y suis rendu bien vite, et vérification faite, j'ai reconnu avec d'autant plus de plaisir que j'en ai eu la surprise, que mon affaire avait (sic) passé hier sans discussion aucune.

Je suis retourné chez Seugnot, il déjeunait avec ces dames, j'étais alors tranquille et content je me suis amusé à mon tour et nous n'avons cessé de rire de la manière dont les affaires se discutaient au conseil que lorsque j'ai décidé de me retirer pour t'écrire un mot.

Le voilà dit je t'embrasse et cours à la poste ; je vais à mon retour dans mon bidet écrire à M. de Montolivet qui, peut-être n'en sait rien encore, mais à qui cependant je n'aurai pas l'air de l'apprendre (car il serait bien dangereux de se permettre aucune réflexion sur cette manière de faire, soit à Paris soit à Lyon). [...]

Demande à Magdeleine d'aller voir le préfet pour l'en informer.

[...] Je t'embrasse de tout mon cœur ; j'ai été bien tracassé et crois rêver ; aussi, ne sais-je pas trop ce que j'écris. J'embrasse tendrement la mère et tous les enfants. Je pourrai au moins fixer bientôt le moment où j'irai les retrouver.

Il est inutile je crois d'en parler [...] je crois que ce qui vaut mieux est de ne pas parler de cette affaire, dont on apprendra le résultat par l'arrêté du préfet.


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