Lettre d'Antoine à son épouse Magdeleine, 21 avril 1807

Expéditeur : Antoine Morand
Expedié depuis : Paris

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Transcription

Adresse ?
Paris, le mardi 21 avril

Hier ma chère amie , j'ai vu M. de Montalivet , il m'a reconnu quoiqu'on m'eût annoncé M. Mouran il s'est levé et m'a dit, ah c'est M. Morand de Jouffrey, il m'a demandé avec beaucoup d'intérêt des nouvelles de mad. de Jouffrey…… je lui ai ensuite remis mes lettres de recommandation en commençant par celle de Besson qu'il a lue attentivement et toute entière, il n'a fait que parcourir les autres, sur le tout cependant c'est moi qui lui ai parlé beaucoup de ma pauvre sœur de ses enfants, mais il ne m'a rien dit de relatif à mon beau-frère , et n'a fait aucune question à son égard et semblerait presque être froidement avec lui, tu sens que je n'ai pas dit cela à Besson à qui je viens d'écrire.

Sur le fond de l'affaire, il croyait d'abord que ce pont ne tenant point aux ponts et chaussées ce n'était pas à lui à s'en mêler, je lui ai dit que les deux lois que j'avais obtenues l'avaient été sur le rapport de M. Cretet et cela l'a de suite convaincu.

Sur mon exposé, il regarde ma demande comme juste et m'a promis de s'occuper promptement de son rapport aussitôt que le ministre lui aurait renvoyé les pièces mais en entrant dans des détails, il m'a dit que le conseil était infiniment difficile sur des demandes de ce genre, il m'a ajouté (ce que je savais bien) qu'une pièce importante aurait été un procès verbal fait par l'ingénieur en chef qui aurait constaté les réparations qui restaient à faire au pont et évalué l'entretien annuel, et une autre constatant la recette actuelle du pont, déterminant quelle serait la réduction si le péage était remis à l'ancien taux et établissant par conséquent la nécessité de laisser subsister celui qui est maintenant perçu.

Entrant dans la manière de voir de M. Dujat d'Ambérieux , il para ît voir ainsi la chose :

Vous avez sollicité les deux lois pour réparer les dégradations qui ont eu lieu pendant le siège ; mais maintenant il est reconnu que la recette est peu considérable, que les frais de réparation et de simple entretien ainsi que ceux de régie sont plus que doublés, qu'un sou ne vaut pas plus que ne valaient deux liards et vous demandez indéfiniment la continuation du péage actuel.

C'était bien là ma chère amie le but de ma demande au préfet , il me paraît d'après une lettre de James que je reçois à l'instant avec une de toi, que le conseil municipal tient à peu près le même langage dans cet avis que je ne connais pas, et si les papiers étaient maintenant en mon pouvoir avec quel avantage n'aurais-je pas formé ma demande définitive qui aurait été remise directement par moi au conseiller d'état chargé de cette partie, plus j'y pense, plus je sens tout le désavantage qui résulte pour moi d'une contrariété que je ne pouvais prévoir. J'aurais bien mieux aimé n'avoir pas été suivi si promptement et que le tout me fût parvenu. Dès mes premières lettres il me semble que je t'ai parlé d'en faire un paquet chargé à mon adresse.

Hier j'ai vu La Roquette qui s'est chargé d'obtenir de M. de Venaux que je puisse voir les pièces et qu'elles fussent renvoyées promptement ; je saurai peut-être aujourd'hui des nouvelles de ce qu'il aura obtenu, surtout voyant par ta lettre que je reçois au moment, qu'ils ont dû arriver hier lundi.

Rappelle-toi bien ma chère amie , qu'il m'est indispensable d'avoir copie en forme et s'il était possible deux de chaque de l'avis du conseil municipal et de l'arrêté du préfet , M. Vieu et M. Duparc ou en son absence M. Olivier te rendront ce service. Je compte bien écrire au maire et au préfet en remerciements mais j'attends pour cela d'avoir pris lecture de ces pièces si par le moyen de La Roquette je peux parvenir à les lire.

Plutôt que de rentrer dans les détails des dangers que je trouverais à faire faire ce rapport conseillé par M. de Montalivet , et d'autres gens que je suis bien aise que tu connaisses, je prends le parti de t'envoyer la lettre que j'écris à Besson  ; aussitôt après l'avoir lue tu la cachetteras d'un simple pain, sans imprimer ton cachet, il verra bien qu'elle ne vient que de Lyon mais il en résultera pour lui un port moins cher et en pensera tout ce qu'il voudra ; et ne tarde pas à la faire mettre à la poste.

J'ai vu M. Beugnot conseiller d'état mon camarade du Plessis, il m'a reçu avec beaucoup d'amitié et je dîne aujourd'hui chez lui, j'espère par ce moyen et celui de Bérenger faire marcher un peu M. de Montalivet qui ne m'a point demandé mon adresse et ne m'a point engagé comme je m'en étais flatté à aller le voir chez lui.

Mad. Bérenger et sa mère m'ont comblé d'amitié et on ne peut ajouter à tout ce qu'elles disent de bien mérité sans doute sur ton compte, elles prennent le plus grand intérêt à ton fils et à tes filles qu'elles ne connaissent pas. On ne peut être plus obligeant. Elle a sa fille aînée qui est devenue bien gentille, un fils de 3 à 4 ans qui est fort drôle et une petite de deux ans…

Quoique ce ne fusse qu'à la dernière extrémité que je prendrai le parti de faire constater tout ce que désirerait avoir M. de Montalivet , il faut cependant se mettre en mesure dans le cas où le jugeant indispensable, j'accepterais d'ici une demande au préfet sur cet objet et à cet égard, je joins un petit billet dont tu donneras connaissance à M. Adanchy en lui renouvelant l'assurance de mon attachement, il voudra bien prendre la peine d'aller chez M. Dulaurens que tu connais bien, rue des deux angles n°21, si cela est nécessaire tu pourrais bien y aller il te recevrait sûrement très bien comme il m'a toujours reçu et n'a sûrement pas oublié les honnêtetés que nous lui avons faites.

Tu diras à M. Rigollet ou à madame en les bien assurant de tout mon attachement qu'après bien des courses je suis enfin parvenu à trouver M. Gueneux qui loge maintenant rue Saint-Dominique chez madame la maréchale sa fille ; il est dans l'hôtel du maréchal l'anne [sic] ; bien des compliments de sa part, assurance du désir qu'il a d'être utile à M. Rigollet quand l'occasion s'en présentera, mais que celle-ci est manquée et qu'on lui a dit que la place était donnée, il ignore cependant à qui.

Je t'embrasse ma chère amie et t'aime toujours bien fort, je suis bien fâché de la peine que tu es obligée de prendre, les voyages de Machy sont en effet tristes avec le mauvais temps. Je vois avec peine que le froid qu'il fait ici et qui donne lieu à bien des maladies, se fait sentir à Lyon, je crains qu'il ne fasse beaucoup de mal et ne détruise tous les fruits ou pour mieux dire les empêche de se former il est plus d'une heure et je cours à la poste, embrasse Albine et Léo , sans oublier celui de mes fils qui est à Lyon. Ce froid ne peut durer et il faut espérer que les jeunes papa et maman pourront bientôt aller se promener en Bellecour et y rencontrer une charmante petite avec autant de plaisir que nous en avions jadis à y rencontrer Albine sur les bras de Claudine. Voilà des souvenirs c'est la seule ressource des grands-pères …


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