Lettre d'Antoine à sa mère Antoinette, 13 novembre 1805
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C'est hier, ma chère maman , qu'Albine a changé d'état, elle est bien venue ce matin déjeuner avec nous, est-elle ou non Madame c'est ce que je ne vous dirai pas je suis trop discret pour faire à cet égard des questions, mais elle a un air d'étonnement et de satisfaction qui s'explique et qui me fait grand plaisir.
Nous avions très peu de monde et cependant assez pour garnir ma salle à manger qui ne répond pas au salon ; nous aurons des cousins demain jeudi ; les Poleimieux Dellecise et dimanche quelques autres personnes du voisinage et de la ville, lundi nous allons faire notre entrée à Curis, et ensuite reviendrons à Machy où ma femme compte rester et garder Mad. Albine jusqu'à la noël. Tout s'est très bien passé hier on nous a traités en gens qu'on aime, les jeunes gens ont formé une garde à cheval qui est venue prendre ma fille et qui l'a raccompagnée à Machy en sortant de l'église ; les boîtes et les pistolets et les cloches faisaient à notre approche de Chasselai un bruit qui avec le cortège que formaient les voitures et la cavalerie avaient rassemblé, malgré que ce fut un jour ouvrable, la plus grande partie des habitants de notre bourg. La cérémonie de bénédiction s'est donnée dans ma chapelle dépendante de l'église de Chasselai, M. Navarre a fait la cérémonie, prononcé un très joli discours et plein de choses agréables pour les deux familles et dit la messe, M. le curé qui est très sensible à ce souvenir de ma tante a mis dans tout cela la plus grande complaisance.
Pourquoi l'idée de ma pauvre
sœur souffrante
, que je porte sans cesse avec moi, pourquoi la privation de
vous
Si je n'avais pas craint de fâcher Besson je me serais réuni à ma femme pour garder son fils, mais il faut que les volontés des pères se fassent, tout le monde l'a bien regretté et l'intérêt qu'il prend à sa cousine aurait fait de tout ceci un beau jour pour lui ; les jeunes gens et les demoiselles pouvaient s'y trouver sans être déplacés il n'y a pas eu ni n'y aura de longtemps la moindre plaisanterie. Albine me charge de vous bien embrasser, elle ne vous écrira que de son château, vous l'excuserez dans ces moments de retarder les plaisirs qu'elle aura à vous parler de son bonheur.
Pour moi maman je rends des actions de grâce au seigneur. Je prie ma tante aussi de le remercier pour moi tout doit être mieux reçu de sa part. Ma femme est contente autant qu'on le peut être et a bien vivement partagé la peine de ne pas vous voir à cette cérémonie, je regrette bien que Besson ne se soit pas trouvé à Grenoble, j'espérais que le sacrifice que j'avais fait en lui renvoyant Auguste le déciderait à nous dédommager et à nous causer une surprise agréable. [...]
Ne m'oubliez pas auprès de ma bonne sœur , je connais son cœur et la pensée de notre bonheur sera un soulagement à ses maux, comme l'idée de ses souffrances est pour nous un tourment qui diminue bien nos jouissances…