Lettre d'Antoine à sa mère Antoinette, 16 octobre 1805
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Je ne conçois pas, ma chère maman , comment j'ai pu rester si longtemps sans vous écrire surtout dans des circonstances aussi intéressantes ; il faut croire que c'est la suite de l'embarras où elles me jettent : comment en effet lorsque je m'étais décidé à un grand sacrifice, pouvoir m'accoutumer tout à coup à l'idée de voir ma fille épouser le fils d'un ancien confrère et d'un ami, jeune, bel homme, d'une candeur et d'une honnêteté bien rares ; mon voisin, propriétaire d'un château très bien meublé, que je connais dans tous ses détails et où très jeune je comptais déjà pour quelque chose. Comment passer sans le plus grand trouble, de l'idée d'une séparation bien cruelle à celle si douce de ne la perdre de vue ni à la campagne ni à la ville et au bonheur de voir ma famille s'augmenter d'une manière agréable sans cependant être obligé de loger chez moi le nouveau venu pour m'assurer le plaisir de passer quelques mois avec ma fille ; en vérité, ma chère maman , je ne peux suffire à ma joie qui se concentre en moi-même et à laquelle je sens que je ne me livrerai avec sécurité que lorsque la chose sera faite. Ce bonheur est si grand pour moi que je ne me flatte pas de l'avoir mérité, car vous sentez bien que cette défiance est la seule cause qui puisse me laisser quelque doute sur une affaire aussi bien arrêtée et aussi publiquement sûre et généralement approuvée que celle-là.
Ma satisfaction, ma chère maman , a été bien troublée par ce qui s'est passé ; j'estime beaucoup certaine personne, je suis plein d'attachement pour toute sa famille et j'avoue que j'eus donné beaucoup pour que tout ce qui s'est passé n'eût pas eu lieu ; ce qu'il y a de bien certain (et vous n'en doutez pas) c'est que j'agissais franchement ; ce n'est que dans les derniers moments et pendant que les bienheureux clous ont retardé le voyage, qu'un ami commun a noué cette affaire, alors nous avons tous reconnu que l'autre affaire était la suite de raisonnements de notre part et de celle de nos parents sur les convenances, que si alb. ne s'était pas prononcée contre ce n'était que l'effet de sa confiance en nous tous, mais que les agréments de cet établissement étaient tels qu'il n'était pas possible de penser à l'autre sans courir les risques d'être tous malheureux en faisant le malheur d'un enfant aimable et qui mérite bien qu'on veille à ce qui peut assurer son bonheur. Vous avez tout de suite chère maman partagé notre manière de penser parce que le cœur maternel ne trompe pas.
Il paraît, ma chère
maman
, que la conclusion de cette affaire aura lieu dans les premiers jours
de novembre, entre la Toussaint et la saint Martin. Je vois par la lettre que vous
écrivez à ma fille
que vous ne comptez
pas venir la bénir dans ce moment si intéressant ; cependant, ma chère maman
, je vous prie de faire
l'impossible à cet égard ; je connais la tendre amitié de ma sœur
et suis bien persuadé qu'elle verra
avec plaisir que vous nous procuriez celui de vous
Mille choses je vous prie à ma
tante
, je ne doute pas de l'
Je ne vous dis rien pour Eléonore , je vais écrire à son mari mais embrassez-la bien fort pour moi, combien il est cruel d'être privé du plaisir de partager avec elle d'aussi douces jouissances, ah il n'est point dans ce monde de bonheur sans nuages !
Veuillez bien m'écrire le plus tôt que vous le pourrez pour m'annoncer que vous vous rendez à mes vœux ; c'est ma sœur que je prie de solliciter pour nous ; Auguste qui peut retarder de huit jours sera votre chevalier pour le retour et j'aime à croire que son père en sera aussi.
Quant à certain grand M. dont il est question j'espère ma chère
maman que vous arrangerez les choses de manière qu'il n'exécute pas le projet de venir
chercher Auguste
et que s'il le faut vous en disiez un
mot à ma sœur
ou plutôt à son mari
; je ne peux