Lettre d'Antoine à sa mère Antoinette, Avril ou mai 1805
Expedié depuis : Lyon
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[...] Ma femme est allée passer quelques jours à Machy pour des lessives et je suis ici avec Albine qui n'a pas suivi sa mère, elle se porte bien cependant mais ne voulait pas interrompre quelques leçons de géographie et de latin que lui donne une dame qui enseigne aussi Mlle de Montherot et qui a beaucoup d'instruction. Nous sommes tristes et bien attrapés de la tournure qu'a prise certaine affaire, nous ne pouvions imaginer qu'elle ne réussît pas si nous le désirions ; il paraît au reste que le père et la mère sont tout aussi fâchés que nous, Albine heureusement n'a jamais pu se douter de nos projets. Ma femme vous a écrit sur tout cela j'imagine que Mad. R. ne vous aura peut-être pas répondu, elle est embarrassée à parler de cet article, mais je crois ma chère maman que vous pourrez bien lui témoigner en termes généraux qu'une affaire dont vous aviez eu l'idée n'ait pas eu lieu et lui redemander votre lettre, ces choses-là peuvent se conserver, se retrouver ensuite et cela est désagréable, elle nous a bien assuré que son mari et elle étaient seuls dans le secret mais il est difficile d'imaginer qu'on n'ait pas nommé la personne au jeune homme et j'avoue que cette idée est pénible pour moi. Vous verrez ma chère maman ce que vous croirez convenable de faire.
L'idée que vous aviez pour Grenoble me paraissait très bonne, mais il paraît que l'homme a une tournure qui a été plaisantée chez ma sœur devant Albine (qui paraît malheureusement un peu difficile, d'un autre côté elle ne se déciderait pas je crois à nous quitter à moins que ce ne fût pour quelque chose au-dessus de nos espérances et cela ne se trouve pas aisément ; entre nous la voilà arrivée à l'âge où sa mère s'est mariée et cette dernière est surtout bien tourmentée de ne pas la voir encore établie, jusqu'à présent j'ai plaisanté de ses craintes mais bientôt je les partagerai malgré moi.
J'ai trouvé aujourd'hui chez M. de Pery où j'ai diné, un homme qui m'a témoigné beaucoup de plaisir de me revoir et qui m'a parlé de vous et de mon père avec le ton du sentiment et de la bonne amitié, je ne l'ai reconnu qu'au son de la voix, cependant il n'a pas changé beaucoup, mais il y a bien des années que je ne l'avais vu, c'est M. de Julienas , qui plein d'honneur et de courage, a trouvé dans le dehors des ressources dans son activité et ses talents, il a un commerce considérable à Naples et il faut qu'il ait bien réussi puisqu'il m'a dit qu'il retrouverait par ce moyen de quoi réparer à peu près les pertes immenses qu'il a faites en France ; il a été parfaitement reçu à Julienas, il lui reste le château et environ le quart de sa fortune qui était de 100 000 livres de rente. Sa femme et deux filles qui composent sa famille, sont à Naples, il restera ici quelques mois, retournera ensuite à Naples et compte dans deux ans revenir s'établir en France. Il prend bien part à vos malheurs et désire bien vous revoir à Lyon on ne saurait ajouter à tout ce qu'il m'a dit d'aimable et de mérité sur votre compte.
Mille choses de ma part à ma
tante
je vous prie, embrassez bien fort pour moi ma bonne sœur
, il est cruel pour moi de la
sentir souffrante et retenue dans son appartement au moment où je m'étais flatté de la