Lettre d'Antoine à sa mère Antoinette, Date incomplète : sans doute le 25 janvier 1805

Expéditeur : Antoine Morand
Expedié depuis : Lyon

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Archives municipales de Lyon, fonds Morand, FRAC069123_14II_35_2_1805_01_25_1.jpg
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Transcription

Adresse ?
Lyon, le vendredi 5 pluviôse

Lettres non datées d'Antoine à sa mère. Je suppose, à partir des éléments que j'ai, qu'il s'agit de son retour de Paris, effectué à l'occasion du sacre de Napoléon.

J'ai reçu hier, ma chère maman , le ratafiat que vous avez eu la bonté d'envoyer à Antoine, il vous en remercie, en boira peu et en fera boire à votre santé ; le courrier de demain samedi vous portera un aloyau, il est tué, c'est-à-dire le bœuf auquel il tenait, depuis hier matin, et le boucher a prétendu qu'il serait meilleur en le coupant plus tard sans cela il serait parti aujourd'hui, je souhaite qu'il parvienne bien frais à Grenoble et que vous et vos convives le trouviez bon.

J'ai à faire passer à mon frère quelques graines et autres commissions, ma fille a des crayons etc… mais je ne crois pas convenable de joindre tout cela à l'aloyau qui pourrait être un mauvais voisin, nous en ferons un petit paquet particulier que j'enverrai à Besson incessamment.

Mon retour de Paris a été très pénible, les chemins sont mauvais, les chevaux le sont encore davantage et j'ai passé cinq nuits de suite en voiture pour n'arriver à Lyon que le sixième jour. J'en ai été quitte pour beaucoup de fatigues et de l'enflure aux jambes, tout cela a été bientôt dissipé ; ma santé est assez bonne et je suis si frais et si gras à ce que tout le monde me dit que je n'ose pas me plaindre lorsque j'éprouve quelque mal aise.

Si ma femme ne vous a pas écrit des détails sur la mort de son neveu , c'est qu'elle les ignorait elle-même, ce n'est que depuis peu de temps que nous en connaissons quelques-uns ; vous sentez que cela n'aurait pas été un secret pour vous, il est malheureux que cela n'en soit un pour personne, car ce que nous en savons nous est parvenu par la voix publique, vous sentez cependant que nous évitons les occasions d'en parler, des événements de ce genre sont toujours aussi désagréables que pénibles. Il paraît qu'il s'est marié absolument par complaisance pour ses parents et sans goût pour la compagne qu'on lui donnait, qu'il a eu depuis son mariage quelque distraction qui a eu pour lui et ensuite pour sa femme les suites les plus fâcheuses, que son malheureux enfant s'en ressentait, que la jeune femme s'en plaignait beaucoup et que ce malheureux jeune homme ne pouvant se consoler, se dissimuler combien il était coupable et persuadé qu'il lui était impossible d'être jamais heureux, s'est brûlé la cervelle.

Une catastrophe aussi terrible est bien faite pour porter la désolation chez les Tempier . L'enfant se porte bien maintenant, la belle-fille est retournée chez ses parents et il paraît que pour faire ce mariage qui était fort riche, mon beau-frère avait fait de grands sacrifices qui vont maintenant le gêner beaucoup. Voilà ma chère maman tout ce que nous en savons et je vous prie de n'en parler qu'en famille, je crois que ma sœur l'a connu, elle en sera bien touchée, les père et mère de famille peuvent seuls se faire une idée du désespoir des parents qui se trouvent survivre à de pareils événements. Combien je me félicite que la grossesse de sa femme l'aie empêché de venir s'installer à Machy comme il en avait formé le projet. Sa perte eut été bien plus affreuse pour nous.

Notre voisin de campagne a été mis dans la confidence relativement à l'idée que ma femme et vous vous étiez formée, il n'y a rien à faire, le jeune homme est d'âge à attendre et il paraît que la cadette lui est destinée, au reste il a ignoré absolument de qui il était question, le voisin est discret et répond volontiers à la confiance de ceux qui le chargent d'affaires.

Mad. Rognard n'est point venue nous voir, j'y ai été à mon retour de Paris lui donner des nouvelles de son frère, elle n'a cessé de me dire qu'elle vous devait une réponse et une visite à ma femme mais cela en reste là ; elle a été vivement affectée de la mort de Mad. Cosson qui s'est jetée par la fenêtre, sans avoir aucun chagrin. Il paraît que c'est l'effet d'un sang porté à la tête à une époque que je croyais passée pour elle depuis longtemps, demain je dîne chez les Rongnard mais c'est avec tout le tribunal ainsi cette politesse ne signifie rien, sur le tout je crois bien important et plus important que jamais de ne pas paraître rechercher ce à quoi elle paraît ne pas penser du tout. Ma femme se tourmente trop de ne pas voir demander sa fille moi je crois qu'elle est encore bien jeune et avec tous mes autres embarras je désirerais que cela fut assez retardé pour les voir s'éclaircir auparavant ; la vente seule de Machy peut me rendre un peu d'aisance ; j'en ai manqué le moment et je sens que ce sera pour moi un bien grand sacrifice, mais il est devenu nécessaire et je (déchiré) j'en trouve un prix convenable.

Je suis obligé de me rendre à l'instant au Palais, on vient me chercher j'avais cru que nous entrions ce matin de meilleure heure qu'à l'ordinaire ; j'embrasse de tout mon cœur ma tante , ma sœur , tous les siens et vous assure ma chère maman de mon tendre et respectueux attachement.


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