Lettre d'Antoine à son épouse Magdeleine, 15 novembre 1804
Expedié depuis : Lyon
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[...] c'est hier que ces lettres ont été rendues à Lyon où elles arrivèrent avant-hier par un courrier extraordinaire, vous savez qu'elles annoncent le couronnement pour le 11 frimaire et qu'elles invitent à se rendre avant le trois, ce qui est de toute impossibilité pour un très grand nombre de convoqués à qui les lettres parviennent trop tard.
Pour moi je serai très en règle ; je pars dimanche avec M. Cozon et M. Nugues que connaît mon beau-frère et qui est ici procureur général près la cour criminelle. Si ceux qui devancent le pape, ne dérangent pas notre cabriolet dont plusieurs relais sont servis par des chevaux de poste, nous arriverons à Paris le premier ou le 2 frimaire.
Le pape couche le samedi au Pont chez Mme Cretet ; Mad. Teisseire y est dans ce moment ; le dimanche il couche à Lyon et en repart le lundi de très bonne heure ainsi je le devancerai de 24 h. à Paris si l'ordre de notre marche n'est point dérangé par la sienne et celle de son cortège qui le précède en deux divisions. On dit le cardinal Fesch retenu je ne sais où par une esquinancie, je suis loin cependant de vous garantir le fait et peut-être est-il maintenant dans son palais car il est arrivé ce soir beaucoup de voitures.
J'avais bien pensé que Mlle Dodieu aurait la bonté de me recevoir mais toutes réflexions faites cela m'éloignait trop et j'aurais dépensé en voitures obligées plus que mon logement qui ne sera sûrement pas beau mais qui sans doute ne sera pas cher du moins pour le moment parce que je vais dans un hôtel où on a de l'amitié pour moi et où j'ai déjà logé longtemps, c'est à l'hôtel Mesnars rue de la loi vis-à-vis rue Mesnars.
Tous nos maires vont partir, Mad. Sain sera du voyage, le préfet va se rendre aussi à Paris, Mad. de Pusy y est déjà depuis quelque temps je crains seulement qu'on ne puisse ni dormir ni manger tranquillement à Paris et ce mouvement extraordinaire ne m'amusera pas beaucoup. Au reste dans ma position je n'hésite pas de m'y rendre et quoi qu'il puisse en arriver je crois qu'un président de canton peut bien se déranger quand le pape en donne l'exemple.
James est rentré au lycée depuis longtemps, il se porte bien et paraît travailler assez, il avait un peu comme son père l'envie de servir mais je crois cependant qu'il se déterminera à suivre une carrière moins orageuse, il est bien heureux pour lui de voir établir une école de droit à Grenoble et je crois que cette circonstance n'a pas peu contribué à le décider à suivre cette marche.
Hier j'ai vu Mad. Rongnard , elle paraît se ressentir toujours de la terreur que lui a inspirée la chute affreuse qu'ils ont faite, je crois vous en avoir parlé dans le temps, il est heureux au reste qu'après avoir versé dans un précipice et la voiture et les chevaux ayant fait trois tours sur eux-mêmes, il n'y ait personne de blessé, une jambe cassée, pas même un cheval estropié. Mad. Rongnard m'a demandé votre adresse et sans doute vous écrira bientôt. Je ne sais si elle pense à quelque chose, je ne connais point le jeune homme, il est possible que cela convienne mais pour que cela réussisse il ne faut pas y paraître penser et voir venir ; je m'en rapporte absolument au reste ma chère maman , à votre expérience et à votre attachement pour Albine .
Mad. de Montherot est arrivée, Albine a été voir ces dlles ce soir il paraît qu'elle a trouvé Fanny fort changée car elle est revenue très affectée. [...]
Léo est toute seule à Machy, je ne lui aurai pas fait de grands adieux il m'en coûte de partir sans l'embrasser un peu plus fort qu'à l'ordinaire. Elle est bien un peu gâtée, mais elle est caressante gaie et bien aimante. Mille choses tendres à ma sœur et à ses enfants j'embrasse mon frère . [...]