Lettre d'Antoine à sa mère Antoinette, 20 janvier 1804

Expéditeur : Antoine Morand
Expedié depuis : Lyon

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Transcription

A Madame Morand Rue Brocherie à Grenoble.
Lyon, ce 29 nivôse an 12. Vendredi

On est bien embarrassé, ma chère maman , quand on a tort surtout vis-à-vis d'une maman bien chère et bien bonne, et on le serait bien davantage si, accoutumé à son indulgence, on ne se flattait pas d'être pardonné. Si je n'y comptais pas un peu j'aurais pris ma revanche en grondant mes enfants d'avoir fermé leur paquet sans la lettre que je devais y joindre et d'avoir fait partir le tout sans m'en avertir, comme nous en étions convenus. Je ne l'ai pas fait ma chère maman et je désire que vous vouliez bien suivre cet exemple d'indulgence sans examiner si je n'ai pas plus de tort qu'ils n'en ont eu. Au reste vous êtes bien convaincue malgré mon silence, qui n'était point gardé au reste par mes procureurs fondés et par des représentants qui partagent bien ma tendresse pour vous, que je ne peux voir commencer une nouvelle année sans désirer que tout ce qui m'est cher ne soit heureux pendant sa durée et que par conséquent mes vœux n'ayent d'abord votre bonheur pour objet. Comment vouliez-vous au reste que la tête ne me tournât pas au commencement de cette année, on a débuté par m'envoyer au collège ce dont j'ai perdu l'habitude et que vous savez que je n'ai jamais aimé beaucoup. M. Chapet sénateur est venu le présider, deux affaires particulières bien embarrassantes se joignaient à toutes celles qui me surchargent et les premiers jours de cette année ont été les plus tristes et les plus décourageants que j'aie passés depuis longtemps ; M. Ravier mon collègue au tribunal est mort à cette époque ; comme l'un des derniers reçus je n'ai quitté sa dépouille mortelle qu'au moment où elle a été déposée dans la terre ; cette cérémonie m'a vivement affecté, je lui étais très attaché, il a fallu ensuite ne pas perdre un moment pour solliciter qu'on me nomme définitivement, car vous savez que je ne suis qu'en remplacement ; j'ai bien vite écrit à tous ceux qui peuvent m'être utiles et ai fait ma cour tant que j'ai pu à M. Chapet que j'étais fâché au reste de sentir si loin de la capitale craignant qu'on ne nomme en son absence ; il vient de partir et s'il arrive avant la nomination, j'espère qu'il rendra compte au ministre de la justice , de l'opinion que lui ont bien voulu témoigner sur mon compte et mes concitoyens et le tribunal entier, qui a écrit en corps au grand juge pour demander ma nomination définitive. Les assemblées se sont passées avec beaucoup de tranquillité. M. Chapet a été très accueilli, j'ai dîné presque tous les jours avec lui dans différentes maisons et il vint dîner chez moi samedi dernier avec le préfet et quelques hommes.

Vous avez su sans doute qu'on a présenté pour le Sénat, M. de Pury et M. Vanty ; pour le corps législatif, M. Vitet ,Chirat négt . Rieussec , Tournillon , Sain de Villefranche, et Dupuis l'avocat, sur ces 6 derniers on en choisira deux l'année prochaine que M. Allandet et M. Cuiredicourt sortent du corps législatif.

Parmi les mariages qui ont eu lieu cet hiver vous remarquerez celui de Mad. de Riverieulx, celle qui habite la Férandière ; M. Magnet l'ancien échevin qui à 89 ans devait se marier à une jeune et jolie personne, mais il a été enlevé la veille du jour où il allait prendre de nouvelles chaînes, au grand regret de la future qui faisait une bonne affaire et au grand plaisir de la famille qui ne trouvait point cela trop gay ; c'est le père de Mme Molrino ; sa disparition a fait bien rire et l'idée de cet enlèvement a fort amusé.

M. Rejaunier Laponie de M. Oddoux s'est marié il y a 10 jours, sa femme a 18 ans jolie comme un petit ange et 45 M. francs de dot, c'est une Dlle Rameaux fille d'un marchand de teinteries, qui a toute la tournure Davilluère maison opulente, j'ai été du dîner de noces. Vous voyez qu'en voilà cependant un dans l'ordre des choses et convenable à tous égards. Albine dame /// au cercle, samedi dernier chez Mme de Prisy où il y eut une fête charmante, demain chez Mad. Parintrotet Hubert  ; elle a toujours bien le sang à la tête ; Léo se porte à merveille et va maintenant coudre chez des dlles où il y a fort bonne compagnie de son âge, elle y va deux heures le matin et autant l'après-midi, elle en est extrêmement contente, c'est jusqu'à présent un charmant enfant ; James est venu dîner hier avec nous, ils m'ont présenté des bouquets, et des dépenses. Albine a fait sous les yeux de M. Richaud un portrait de Léo qui est charmant quoique ressemblant. Je croyais ma fête oubliée ; je savais qu'elle ne l'était pas de votre part puisque vous aviez eu la bonté de m'annoncer de la liqueur qui sera la bienvenue et dont nous ne boirons jamais sans faire des vœux pour la conservation de votre santé. J'embrasse ma tante , ma sœur , mes nièces, mon neveu et leur père , dites à la première qu'on fait encore dans cette ville des papillotes et que je n'oublierai pas de lui en faire passer dans quelques jours ; adieu ma chère maman comptez sur mon tendre et inaltérable attachement.


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