Lettre d’Antoine à sa mère Antoinette, 10 août 1802

Expéditeur : Antoine Morand
Expedié depuis : Machi

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Archives municipales de Lyon, fonds Morand, FRAC069123_14II_35_2_1802_08_10_1.jpg
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Transcription

A Madame Morand, Brocherie, Grenoble
Machi le 22 thermidor

Je suis revenu, ma chère maman , trouver à Machy ma femme et mes filles, j'ai grand besoin d'un peu de tranquillité, mon œil me fatigue et les sangsues derrière l'oreille ne m'ont pas débarrassé ; je me borne en ce moment à mettre les jambes dans l'eau avec de la moutarde et j'espère que cela suffira pour me dégager la tête.

J'ai vu M. de Rollin et Madame , ils doivent partir demain pour Grenoble et y arriveront par conséquent aussitôt que ma lettre ; il est venu avec moi chez le préfet , il a d'abord parlé du Pont et de la justice de venir à notre secours au moins pour l'exemption de l'impôt, il a ensuite parlé avec force de l'injustice qu'on m'avait faite et on ne peut ajouter aux choses obligeantes qu'il a dites sur mon compte.

Je dois vous dire que le préfet désire me faire nommer président du tribunal civil ou de première instance ; cette place me donnerait beaucoup de peine et je craindrais je l'avoue d'être au-dessus de ma place parce que je la regarde comme la plus difficile dans l'ordre judiciaire et que je ne suis pas assez familiarisé avec la formalité qui tient à l'instruction pour pouvoir me tirer d'affaire sans un travail continuel et au-dessus de mes forces actuelles ; M. de Rollin ainsi que quelques amis me conseillent cependant, si cela avait lieu, d'accepter comme un moyen sûr d'avoir ensuite une place au tribunal d'appel lorsqu'il viendra à en vaquer.

Comme je vous l'ai dit, il y en a une maintenant que Martin Fesquet de Genève, actuellement établi à Paris, n'acceptera pas. Je vous avais parlé de celle de substitut du commissaire mais il est décidé que celui qui a été nommé, acceptera.

Ce n'est pas le ministre de la justice , mais Cambacérès , second consul, qui fait toutes les nominations ; ce serait donc auprès de lui qu'il faudrait faire agir M. Béranger et par lettres, M. de Rollin , pour me faire nommer à la place de Martin Fresquet lorsque sa démission sera donnée ou à celle de tout autre qui viendrait à vaquer au tribunal d'appel. Il est inutile de solliciter pour le tribunal de première instance, parce que je suis loin de la désirer quoique je sente bien que si j'étais nommé chef de ce tribunal il serait difficile de m'y refuser ; mais il faut au moins ne pas demander ce qu'on serait cependant dans le cas de ne pas accepter selon les collègues qu'on vous donnerait, d'autant plus qu'il y a déjà bien du mélange ; Mad. de Rollin paraît une femme d'un grand mérite, elle m'a parlé de ma soeur mais il paraît qu'elle ne vous a pas vue à Grenoble ; quant à son mari il a beaucoup d'esprit mais il est je crois encore plus paresseux que moi, vous ne pouvez que le remercier de ce qu'il aura voulu faire pour moi et l'engager à écrire à Cambacérès , toujours pour le tribunal d'appel.

M. Daudiffret est toujours ici, je ne l'ai pas vu depuis longtemps, dites-moi je vous prie si l'on dit à Grenoble, qu'il ait terminé ses difficultés avec M. de Sion .

M. Gouret , avocat à Lyon et mon ami, qui a épousé Mlle Trumel de Montluel veuve de M. Bruyset Ponthus le fils, est parti pour les eaux d'Aix avec sa femme et M. Petit célèbre docteur en chirurgie et médecin de cette ville et pour le moins aussi aimable qu'instruit. Si par hasard ils revenaient par Grenoble et qu'ils fussent vous voir, ce qui ne peut avoir lieu que dans trois semaines, je vous prie ainsi que ma sœur si elle s'y trouvait, de leur faire honnêteté, comme à des gens avec lesquels je suis très lié ; Mme Gouret est très gaie et d'une société fort agréable ; vous vous rappelez sans doute que Mme Trumel sa mère est sœur des Bertrand mais ne pensait pas comme eux.

Je suis fâché de ne pouvoir vous tenir la parole que je vous avais donnée je vous prie de ne tirer sur M. Desgranges que le 5 fructidor au lieu du Premier, je n'ai pas ici mon livre, mais je crois que ce doit être 728# pour solde du terme courant. Il n'y a que moi d'incommodé. Tout le reste de la famille se porte bien, ma femme est fort contente de la campagne et se déciderait par raison à y passer l'hiver si elle pouvait confier sa fille à quelqu'un pendant ce temps-là. J'embrasse ma tante et vous assure de toute ma tendresse et de mon respectueux attachement.


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