Lettre d'Antoine à son épouse Magdeleine, Juin - juillet 1802 (messidor an 10)

Expéditeur : Antoine Morand
Expedié depuis : Grenoble

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Transcription

A Madame Morand de Jouffrey, rue Saint-Dominique à Lyon.
Grenoble, mardi à 8h ½ du soir

Deux feuilles volantes ton bleuté.

En attendant qu'on se mette à table, ma bonne amie , je viens causer un instant avec toi… 

James a écrit ce matin de très bonne heure une lettre à sa sœur il m'a donné la permission de la lire et elle m'a fort amusé son stile (sic) est naturel et il ne manque pas d'idées plaisantes, je l'ai trouvée seulement mal écrite c'est-à-dire mal peinte et sans ponctuation ; la plume était mauvaise et il était bien pressé au reste je ne lui ai point fait de réflexions à cet égard étant bien aise qu'il ne craigne pas de me faire voir ce qu'il écrit.

Je vois que la maman a été bien aise de retrouver sa grande fille et je suis bien sûr qu'Albine a ressenti une bien grande satisfaction à retrouver sa tendre mère  ; on a bien regretté de ne pas la voir ici mais il vaut bien mieux qu'elle y vienne avec sa mère et pour plus longtemps, je t'assure qu'il n'eut pas même été prudent de la faire voyager dans cette grande chaleur j'en suis excédé et James a toujours son mouchoir à la main, je crois que la réverbération des montagnes et la chaleur qu'elles concentrent rendent ce pays-ci plus chaud que le nôtre. [...]

Vont partir le lendemain tôt à Cosseil. En reviendront samedi soir et partiront lundi pour Moirans où la voiture les prendra pour les ramener mardi à Lyon.

[...] Je suis très content de ton fils , il ne cherche point à se produire, a la timidité qui convient à son âge mais annonce beaucoup de bon sens, de réflexion et de l'instruction pour son âge et par conséquent du véritable et bon esprit ; après toutes ces espérances il serait bien cruel d'avoir à se reprocher de l'éloigner de nous si cela devait mal tourner, mais j'ai de la peine à croire qu'il se dérange et je vois bien qu'il serait fâché maintenant de voir différer le moment de se lancer dans une plus grande activité et qu'il n'est vraiment occupé que du désir de s'instruire et de s'avancer.

Adieu ma bonne amie , je vais dormir et avec des idées satisfaisantes puisque je pense à mon fils et que j'en parle à sa mère  ; au milieu de tant de malheureux et de malheurs il nous est resté de grands biens, une union fondée sur l'attachement et l'estime, des enfants qui justifieront nos espérances et assez d'aisance pour être heureux avec de la raison et du courage. 

Je ne te parle pas de toutes les grandes nouvelles, je n'y vois que des raisons d'espérer et d'être contents puisque tous ces changements tendent à assurer le rétablissement et la durée de la tranquillité et de la sûreté des citoyens paisibles qui n'ont d'ambition que celle de voir leur patrie heureuse, pour jouir en paix de la portion de bonheur auxquels (sic) ils peuvent raisonnablement prétendre.

Adieu ma bonne amie , je vais me coucher et crains bien que tu ne dormes pas avec cette chaleur et ces petits appartements. 


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