Lettre d'Antoine à son épouse Magdeleine, 31 décembre 1801

Expéditeur : Antoine Morand
Expedié depuis : Lyon

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Archives municipales de Lyon, fonds Morand, FRAC069123_14II_35_2_1801_12_31_1.jpg
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Transcription

A madame Morand rue Brocherie à Grenoble.
Lyon, le 10 nivôse an 10 de la République

Rhume, mal à l'œil (application de sangsues).

[...] Je suis très satisfait de me trouver sur la liste nationale de mon département parce que c'est un dédommagement de l'injustice qui m'a été faite, mais comme il n'y a que ceux qui intriguent ou qui ont de bons amis qui sollicitent pour ceux qui parviennent aux places élevées, mon inscription sur cette liste ne me mènera sûrement à rien ; au reste je suis loin de désirer aucune place qui me mît dans le cas de quitter Lyon même momentanément, toute mon ambition serait de rentrer au tribunal si l'occasion s'en présentait, mais je ne m'en dissimule pas la difficulté parce que lorsqu'il y aura une place vacante elle sera sollicitée par trop de gens pour pouvoir se flatter de l'emporter.

Hier j'ai souscrit pour vous au journal de Lyon et l'on doit vous envoyer par le courrier de ce jour tous les numéros qui ont déjà paru. Le ministre des relations extérieures (Taillerand de Périgord ) est arrivé, on attend incessamment celui de l'Intérieur ; Bonaparte sera ici le quatorze ou le quinze ; on ne sait point quel sera son séjour et j'invite bien mon beau-frère à se décider à venir passer quelques jours avec nous, il paraît qu'il y aura dans la salle des spectacles, des bals superbes aux frais de la commune, il est bien raisonnable à ma sœur de ne pas venir jouir de ce coup d'œil ; mais qu'elle se rappelle de l'engagement qu'elle prend de venir passer quelque temps avec nous dans la belle saison.

J'aurai demain six livres de chocolat que vous m'avez demandées depuis longtemps, j'attendais que M. Calhau eût fait fabriquer le sien pour l'avoir plus et moins , il est à la cannelle, agréable et bon pour la santé ; si vous ne pouvez pas attendre le retour de Besson sur lequel je compte absolument, veuillez bien m'indiquer comment je pourrai vous faire parvenir le chocolat.

Je reçois à l'instant une lettre d'Olimpe qui me fait grand plaisir, elle est bien écrite, bien et sans faute d'orthographe. Il faut convenir qu'elle a quelque mérite à penser à un oncle qu'elle ne voit pas souvent comme elle me le reproche assez plaisamment, et qui a bien eu le tort, je le crois, de ne pas lui répondre l'année dernière. Embrassez bien pour moi je vous prie cette aimable nièce, je ne veux pas me donner trop les airs d'un grand-parent et je n'aurai pas cette année l'impardonnable distraction de ne pas répondre aux avances d'une [...] demoiselle.

Je n'avais pas besoin, chère maman, de recevoir cette lettre pour me rappeler que demain commence une année nouvelle ; lorsque j'ai pris la plume pour vous écrire c'était bien dans l'intention de vous renouveler l'assurance de mon tendre attachement, mais je n'aime point à écrire des lettres de jour de l'an et voudrais bien n'être pas dans le cas de vous en adresser ; chaque année cette obligation me fait faire de bien tristes réflexions, je ne peux m'y accoutumer mais il faut se résigner. Soyez plus heureuse, chère maman, conservez longtemps toutes les qualités aimables qui doivent vous faire trouver des charmes dans la société et que votre santé se rétablisse assez pour que vous puissiez vous livrer un peu à toutes les distractions qui sont nécessaires dans votre position et assurer à vos enfants le bonheur de vous conserver longtemps ! j'embrasse ma tante de tout mon cœur je lui écrirai dans quelques jours, il faut bien qu'elle me passe de ne pas lui écrire une lettre de bonne année puisque je n'en écris pas même à ma mère. Je vous embrasse et vous aime de tout mon cœur.


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