Lettre d'Antoinette à son fils Antoine, 16 mai 1801

Expéditeur : Antoinette Morand
Expedié depuis : Grenoble

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Transcription

Grenoble, 26 floréal an 9 [17 mai 1801]

Manque une feuille, celle de l'adresse, sur un feuillet à part. Les quatre pages de cette lettre se terminent abruptement, au milieu d'une phrase.

[...] Je n'ai point reçu mon cher fils de visite de M. Mallein , il s'est contenté de m'envoyer quelques petits paquets et une lettre pour votre beau-frère , votre sœur s'est chargée de remettre l'un et l'autre. Il y a quelques jours, que me promenant avec un homme de sa connaissance, à qui il s'empressa de parler, je profitai de cet instant pour lui parler de vous, de vos affaires, des services que vous avait rendus M. Royer , avec prière de l'engager à le continuer, dans sa correspondance, il me l'a promis, il me dit qu'il vous avait laissé en bonne santé, avec des espérances de succès dans vos affaires, il a vu votre femme à Lyon et paraît très content de sa bonne réception, il paraît qu'il n'est pas né visitant, M. Royer a des parents dans la maison où je loge, ils m'ont promis de l'engager à vous continuer ses bons offices.

Je vois avec peine toute celle que vous donne l'affaire que vous suivez, mais ce qui m'en fait beaucoup c'est de n'être pas même content du succès, pourquoi n'avoir pas suivi le parti que vous croyez le meilleur et le plus facile, au lieu de vous préparer des regrets, M. Hélie m'a dit qu'il y avait eu trois avis dans l'assemblée, celui des exemptions d'imposition, celui du doublement de péage, pendant cinq ans, et celui de 3 liards pour la durée du privilège (ce dernier avait bien son mérite) et qu'on vous avait laissé le maître de préférer le parti que vous croiriez le meilleur. Ne seriez-vous pas encore à temps de le faire, auprès de la section de législation puis dans les conseillers d'Etat, leurs décisions ou celles des consuls ne seraient pas démenties par la législation suivante de laquelle il serait facile d'avoir la confirmation si elle était nécessaire. J'aurais des regrets de vous avoir donné mon avis s'il a contribué à vous décider. Mais ce fut sans insister pour que vous le suiviez. Votre intérêt particulier me l'inspirait comme possesseur de fonds aux Brotteaux, les plaintes de ceux qui l'habitaient, la désertion de ses locataires, celle du peuple de la ville pour la promenade qui se rendait dans d'autres, vos plaintes continuelles à cet égard, m'ont fait croire que l'ancien péage serait aussi productif. Votre infortuné père a toujours été persuadé que notre recette ne peut être augmentée solidement que par de nombreux établissements aux Brotteaux, on ne saurait dont trop les faciliter. M. Adamoli , M. Derolin , Tisseur anciennement voyaient de même, plusieurs années de notre ancienne recette s'élevaient à celle du montant de nos dernières, si l'on ajoute maintenant la différence des gratis, et l'exemption des vingtièmes, je crois qu'elles atteindront la meilleure de celle que nous avons eues dans les dernières cinq années. Mais je vous invite à ne suivre vos démarches que d'après votre propre conviction, personne ne doit mieux que vous connaître cette affaire, et n'y consulter que son plus grand intérêt. Je suis aussi fâchée avec vous des faux-frais que vous occasionne votre séjour à Paris. Cependant je me flatte qu'ils ne seront pas inutiles à vos intérêts personnels. Dans les grands changements que chacun imagine, il est très avantageux d'être en présence de tout combiner, réfléchir par soi-même, d'épier le moment favorable, vous avez tout ce qu'il faut pour réussir, votre expérience dans les anciennes affaires ne peut que vous servir dans les nouvelles. Et vous pouvez tirer un parti avantageux des bonnes connaissances que vous avez faites, M. Bérenger vous a enfin présenté au Consul Cambacérès , il faut du temps pour arriver aux gens en place, et ce n'est pas l'avoir perdu que d'y parvenir. Vous n'aurez pas j'espère négligé d'aller voir M. de Galle . Mme sa sœur que j'ai été remercier m'a encore assurée qu'il avait le plus grand désir de vous obliger.

Pourquoi mon fils  ? Lorsque vous reprenez avec moi le langage de la sensibilité si doux à mon cœur, l'employer à me faire de nouvelles demandes. Ne savez-vous pas que c'est l'affliger que de ne pouvoir les satisfaire, elles sont prématurées et n'auront peut-être jamais lieu [...].

Vous voyez mon cher Morand que je ne veux pas dire non mais que prudemment je ne peux dire oui. Ne me faites donc plus de demandes indiscrètes qui ôtent tout le charme de notre correspondance ; votre bonheur ne peut tenir à ce que vous appelez un léger sacrifice et votre femme a trop d'attachement pour vous, pour vouloir vous faire persévérer à fatiguer une bonne mère qui lui a aussi donné toutes les preuves d'affection possibles. [...]


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