Lettre d'Antoine à sa mère Antoinette, 29 avril 1801

Expéditeur : Antoine Morand
Expedié depuis : Paris

Facsimilés

Si le zoom ne fonctionne pas sur votre navigateur : cliquer sur l'image
Archives municipales de Lyon, fonds Morand, FRAC069123_14II_35_2_1801_04_29_1.jpg
Archives municipales de Lyon, fonds Morand, FRAC069123_14II_35_2_1801_04_29_2.jpg
Archives municipales de Lyon, fonds Morand, FRAC069123_14II_35_2_1801_04_29_3.jpg
Archives municipales de Lyon, fonds Morand, FRAC069123_14II_35_2_1801_04_29_4.jpg

Transcription

A madame Morand rue Brocherie, à Grenoble
Paris, le 9 floréal an 9 (29 avril 1801).

... au reste, ma chère maman , je ne veux pas recommencer des plaintes qui vous fatiguent, laissez-moi espérer que vous aurez à votre tour quelques égards à ma position, quelques phrases de votre lettre me rappellent le temps où j'obtenais quelque chose de la tendresse de ma mère, celles-là m'ont fait verser des larmes de joie ; celles qui suivent m'ont malheureusement fait craindre que le temps ait bien diminué l'espèce de pouvoir que son attachement pour moi me donnait sur son cœur ; ma chère maman , ma position devient chaque jour plus embarrassante, la demande que je me borne à vous faire est très modérée ; je ne vous l'aurais pas faite si j'avais conservé une place rendante, mais je suis forcé par les circonstances à vous supplier d'apporter cet allègement à ma position, il est nul à peu près pour le présent mais peut me faire trouver quelque adoucissement pour l'avenir et vous jouiriez au moins de l'idée de m'avoir encore une fois prouvé de l'attachement et d'avoir fait quelque chose de juste pour vos enfants, d'agréable pour ma femme. Ce n'est point toucher au traité que d'y apporter un adoucissement qui ne fait que le consolider davantage et vous donner de nouveaux droits à notre reconnaissance ; rien de ce que vous avez fait pour moi ne me serait aussi agréable que cette preuve de tendresse de votre part et vous ne savez pas, vous ne pourriez calculer combien elle importe à mon bonheur ; je peux dire au vôtre parce que j'aime à le croire un peu dépendant de celui de vos enfants ; cela fait, je vous donne ma parole que vous n'entendrez jamais plus de plaintes quoi qu'il arrive, que je mettrai toute mon attention à apporter dans les paiements la plus grande exactitude, et que surtout j'apporterai tous mes soins à me rapprocher le plus souvent possible d'une bonne mère. Surtout ma chère maman , ne dites pas non, laissez-moi l'espérance de vos attentions, j'ai besoin de courage, il est souvent prêt à m'abandonner et rien ne contribuerait plus à m'en donner que la preuve que vous avez encore pour votre fils l'ancienne tendresse, qui lui promettait en ce monde le plaisir que rien ne peut remplacer, de pouvoir compter sur le cœur de sa mère ; mon intention en prenant la plume n'était pas de vous parler de cet objet, mais avec qui puis-je en parler, ne vaut-il pas bien mieux solliciter votre tendresse que d'employer des tiers pour réclamer votre justice.

Je vous remercie de ce que vous avez absolument voulu faire pour Albine , la vérité est qu'elle n'a point pris de leçons de Jadin cette année, mais vous pouvez être sûre que vos intentions seront remplies à cet égard ; je crois bien entre nous que le dessin nuit un peu au piano, je ne peux pas dire que j'en suis bien fâché, cependant comme elle avait vraiment de la facilité pour l'un et pour l'autre, mon intention est bien qu'elle continue le piano de manière à ne jamais l'abandonner et à devenir après bonne musicienne pour pouvoir convoiter l'accompagnement, cela seul peut y attacher, quant à la perfection dans l'exécution, il faut trop de temps et une trop grande continuité d'application, au reste il y a maintenant des choses si étonnantes en fait de talents, qu'il faut se borner à les avoir pour son plaisir, son occupation surtout et l'agrément des siens mais ne pas avoir la prétention d'être remarquée ni citée.

Je vois avec plaisir que vous avez été contente du petit Saint-Jean et que les tatan l'ont été, je l'avais vu bien avancé, elle a beaucoup de facilité et une grande propreté dans ce qu'elle fait, mon intention est qu'elle passe cette année à dessiner beaucoup d'après la bosse, c'est vraiment ce qui forme, elle est assez jeune pour pouvoir ensuite adopter un genre et chercher à y devenir d'une certaine force. J'avoue que je tiens plus à cela qu'au piano, mais je ne lui dis point.


Licence

Creative Commons License