Lettre d'Antoinette à son fils Antoine, 13 avril 1801 (copie)
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Mon cher fils,
Quelle a été ma joie de retrouver dans cette lettre si attendue, si désirée, cet ancien … de tendresse, de sensibilité, qui faisait le charme de notre entretien, de notre correspondance, depuis l'âge où vous avez commencé à vous connaître ; mais vous êtes toujours un adroit coquin dans vos moyens de justification, vous paraissez attribuer votre changement de langage au défaut d'habitude de parler franchement et sans crainte à ceux dont on a dépendu ; je le reçois de tout mon cœur, il n'aurait jamais eu lieu si nous avions pu l'employer dans les discussions d'intérêt, et répondre aux attaques de sensibilité que vous faisait mon cœur maternel, toujours prêt à les écouter ; il vous a accordé tout ce que vous lui avez demandé dans de longues sollicitations ; ne parlez pas justice à qui vous a donné des preuves d'un excès de tendresse, biens présents et avenir (sic), peu de parents très justes en donnent de semblables, vous étiez l'idole des vôtres et vous croyiez incapable d'abuser ; vous paraissiez les aimer comme ils vous aimaient, vous souvient-il de ce langage séducteur lorsque vous étiez au collège ; vous me disiez chère maman lorsque vous me faites sortir n'ayez aucun étranger qui trouble le plaisir que j'ai d'être tout avec vous, mon papa et ma sœur ; nos longs différends sont terminés, aucun étranger n'eut jamais dû en connaître, et si notre traité de paix a été si difficile à conclure c'est que nous n'avions point de Bonaparte pour y intervenir. Il est signé depuis cinq ans, gardons-nous de l'enfreindre, nos quatre puissances intéressées à le maintenir ne doivent former qu'un cœur, qu'une âme, pour le bonheur et l'harmonie de tant d'êtres faits pour s'aimer, se chérir ; jetons mon cher fils un voile sur le passé, gardez-vous pour mon bonheur de le soulever, vous ne savez pas tout ce que j'ai souffert dans votre absence par générosité, par délicatesse ; j'ai eu soin de vous le taire, l'excès de mes maux a nécessité mon déplacement si vous saviez ce qu'il m'en a coûté vous n'auriez pu vous en plaindre et ce que vous m'en dites maintenant me console, je crois vous l'avoir déjà dit, nulle conversation ne me plaisait comme la vôtre, lorsque j'entendais votre voix ainsi que celle de votre père elle allait au fond de mon cœur ; j'ai quitté mes amis ce n'est point à mon âge que l'on peut prétendre à en faire de nouveaux. Mon chagrin ne me laisse que le goût de la solitude, je ne me soucie de l'interrompre que pour le plaisir de voir votre sœur qui partageait avec vous toutes mes affections et celui de penser à m'entretenir avec les chers enfants dont je suis séparée. »