Lettre d'Antoine à son épouse Magdeleine, 11 avril 1801

Expéditeur : Antoine Morand
Expedié depuis : Paris

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Transcription

N°17/ A Madame Morand Jouffrey, Riue St Dominique, à Lyon
Paris 21 germinal, samedi 8 heures du matin

Ta lettre du 15 ma bonne amie ne m'est parvenue qu'hier et cependant depuis quelque temps elles arrivent le cinquième jour ; je suis bien aise que tu aies eu du plaisir, même le vendredi saint, et bien fier d'imaginer que je peux t'en procurer quoique de si loin ; celui qui part du cœur est souvent indépendant des distances, mais comme il est toujours plus vif quand on est en présence, qu'il est bien doux de pouvoir y en retenir d'autres qui ont bien leur mérite et qu'il est cruel de laisser passer dans l'absence des moments précieux parce qu'on approche de l'instant de perdre le pouvoir de les mettre à profit, j'attends avec bien de l'impatience de pouvoir retourner auprès de toi.

Il serait cruel cependant de s'en aller sans avoir rien fait et j'en ai bien peur. Je ne suis pas plus avancé que le premier jour auprès du ministre des finances, mais sans entrer dans de grands détails sur tout ce que j'ai fait, car il ne faut pas croire cependant que je m'endorme, je me bornerai à te parler de la marche à laquelle je tiens absolument.

Mon but est maintenant d'obtenir du ministre que mon affaire soit portée au conseil d'État (et ce que je ne crois pas possible) avec un avis favorable de sa part. Quant au premier objet je ne pense pas qu'il puisse me le refuser. Je vais faire un mémoire, le faire imprimer le distribuer à tous les conseillers d'état et cela deviendra ensuite ce qu'il en plaira à dieu.

Si cela ne réussit pas nous en reviendrons à la demande de l'exemption pendant vingt ans, mais qui ne pourra être proposée qu'à la prochaine législature parce qu'il faut décidément une loi nouvelle pour cet objet ; alors je ne doute pas que tout ce que je fais à présent ne servît à assurer notre succès à cette époque, il faut au moins le croire pour se consoler.

Ta tirade contre les autres ponts, ma chère amie , ne m'a pas fait rire, parce que toutes les différences que tu trouves entre eux et nous sont fondées sur la vérité et devraient bien en mettre dans notre traitement, mais je ne peux pas agir pour nous en soutenant une question de ce genre, sans que les ponts passés et futurs ne profitent de la décision de la question et il faut convenir que la seule chose qui puisse me donner quelque espérance de succès c'est l'intérêt commun que vont trouver dans cette affaire les banquiers introduits dans ceux de Paris, il n'y a que cet appui qui puisse me décider à suivre mon entreprise car je t'avoue que je crains bien d'en être pour les frais, et que je ne me consolerai pas d'avoir changé de marche si j'avais été le maître de la suivre la première et si surtout j'avais pu me flatter au moment de mon arrivée de faire rendre une loi sur cet objet.

Voici comme je raisonne et comment il faut raisonner pour se consoler ; la loi pour les vingt ans d'exemption ne pouvait être obtenue cette année, ceux qui pouvaient me servir ou m'écouter, désapprouvaient cette demande.

La marche qu'on m'a fait suivre, si elle réussit, est bien plus avantageuse pour nous ; si elle ne réussit pas au contraire elle ne peut que faciliter l'année prochaine l'obtention de la loi et tous ceux qui s'intéressent à nous se réuniront pour nous la faire obtenir si nous avons échoué dans la demande actuelle.

Seulement, ma chère amie , je suis fâché de tout l'argent que je vais dépenser dans ce voyage, car il est possible qu'il m'en faille beaucoup et il n'est pas possible de manquer une affaire par une conduite maladroite, d'un autre côté, je suis très tourmenté parce que la crainte de ne pas réussir empêche de faire tous les sacrifices qu'on ne marchanderait pas si le succès était sûr. [...]

Embrasse mes enfants, je ne suis pas trop content du silence des deux aînés, surtout d'Albine , car pour James je ne lui ai pas répondu, mais un père peut prendre de ces licences ; indépendamment du plaisir que j'aurais eu à recevoir de leurs lettres, c'était pour Albine surtout une occasion de s'exercer, il faut qu'elle ne les néglige pas, ce n'est que par un grand usage qu'on acquiert l'usage d'écrire avec facilité.

Adieu mon excellente amie, ce qui me désole est de ne pouvoir fixer encore le moment où je cesserai de t'écrire, je crois qu'on peut se lasser de ce plaisir-là, il n'en est qu'un qui sera toujours nouveau pour moi.


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