Lettre d'Antoine à son épouse Magdeleine, 2 avril 1801

Expéditeur : Antoine Morand
Expedié depuis : Paris

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Transcription

Adressée à Madame Morand Jouffrey, etc.
Paris, le 12 germinal

Hier soir, ma chère amie , j'ai reçu ta lettre du 7 et me hâte d'y répondre pour n'être pas trop en retard et pour que la présente puisse te parvenir avant ton départ pour Machy, qui ne sera sans doute que le lendemain des fêtes, je suis bien aise que tu en aies été quitte pour la peur pour le petit Léo je ne sais si je désirerais qu'elle eût la petite vérole naturellement, je crois ses ravages et il serait dommage que sa petite physionomie drôle fût altérée ; je crois que Mme de Gatelier va faire inoculer un de ses enfants mais je ne suis point dans l'intention que tu l'entreprennes cette année, d'ailleurs comme je te l'ai dit déjà, il est possible que la vaccine se perfectionne de manière à suppléer absolument à l'inoculation et sans en avoir les inconvénients et les dangers.

J'ai bien la certitude d'être nommé au conseil général du département, M. Mayeuvre a de l'humeur mais ce n'est pas contre moi, on a fait l'impossible pour changer la nomination mais cela n'a pas pu avoir lieu parce que tout était signé par le premier consul  ; j'attends néanmoins la lettre du ministre pour écrire au préfet et lui dirai alors un mot de mon affaire qui j'espère n'est pas dans le cas d'être renvoyée à Lyon, mais qui présentera bien des difficultés au ministère des finances. [...]

Je suis bien aise que la petite caisse soit arrivée à bon port et que chacun soit content de son lot, je sais bien ma chère amie que quelle que fut notre position, ce ne serait pas te plaire que mettre 40 louis à un châle, mais je regrette bien de ne pouvoir pas me passer quelques petites fantaisies qui pourraient t'être agréables, il est si doux de parer ce qu'on aime. [...] En achetant un gilet pour James , j'en avais acheté un pour le père mais il a trop gros ventre pour pouvoir s'en servir et son fils en profitera à Lyon, c'est ce qui le console.

[...]

J'ai reçu de ma mère une charmante lettre, si elle m'écrivait ordinairement sur ce ton, je ne serais pas dans le cas de redouter souvent de les décacheter par le mal qu'elles me font ; elle est très reconnaissante de tout ce que tu avais écrit et des démarches que tu avais faites auprès de M. Parrat , lorsqu'elle te rend justice elle est bien sûre de me plaire beaucoup, au reste si tu avais moins de qualités elle aurait moins de jalousie, je m'en suis souvent aperçu et suis bien sûr qu'au fond elle te rend justice. Peut-être que dans mon voyage à Grenoble j'obtiendrai ce que nous désirons, du moins je ne peux plus traiter cet arrangement que de cette manière ; si elle pouvait te recevoir aussi, nous pourrions faire ce petit voyage ensemble avec Albine car après avoir été si longtemps séparés il ne serait pas fort gai de nous quitter encore ; nous pourrions bien arranger nos affaires de manière à pouvoir absenter ensemble quinze jours. Il faut d'abord s'occuper de nous rejoindre, et je sens bien qu'il ne serait pas sage de quitter et d'abandonner la partie sans l'avoir gagnée. [...]

Tu vois d'après cela que tu n'es pas dans le cas de faire compter encore de l'argent par M. Tisseur pour moi, mais il n'en est pas de même pour ma mère qui m'écrit qu'elle doit 900# et qui me paraît pressée pour la totalité. Occupe-toi d'elle mais je ne sais comment tu pourras suffire à tout ; tu vois par expérience qu'il nous est impossible de joindre les deux bouts et je ne sais comment remédier aux dangers et à la peine de cette position. Je compte beaucoup ma chère amie sur ton courage et surtout sur ton ordre et ta bonne tête, nous avons vraiment besoin de changement heureux dans notre position et cependant que de grâces n'avons-nous pas à rendre à la providence et que ne dois-je pas à tes soins ! elle est [cachet] bien meilleure que nous n'aurions pu l'espérer dans les moments affreux qu'il faut chercher à oublier et que celle de bien des gens qui avaient une fortune bien plus considérable.

Adieu ma tendre et bonne amie, sois bien sûre que le reste de ma vie sera employé à contribuer au bonheur de celle qui me rend si heureux ; je ne veux plus mériter des reproches, je suis plus vif que toi, violent même mais j'oublie d'abord ; minette garde un peu de rancune et cela m'attriste surtout quand je ne suis pas assez rapproché pour qu'un baiser puisse arrêter la plainte. Embrasse mes enfants.


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