Lettre d'Antoine à son épouse Magdeleine, 8 mars 1801
Expedié depuis : Paris
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Hier soir, ma tendre amie , j'ai reçu de ma sœur une lettre qui me donne beaucoup d'inquiétudes sur le compte de ma mère . Il paraît qu'elle était fort malade lorsque ma lettre et l'état que je lui ai envoyé lui sont parvenus et il semblerait que tout cela a contribué à augmenter les maux, je t'avoue que j'en suis bien affecté car quelle qu'ait été la conduite de ma mère vis-à-vis de moi, dès qu'elle est malade, j'en oublie l'injustice pour ne penser qu'au désir que j'ai de la conserver, tu me connais assez pour n'en pas douter ; il eut bien dépendu d'elle de se ménager plus de jouissances pendant le reste de sa vie et de contribuer au bien de ses enfants, au lieu de les réduire à une si grande gêne et quoique les apparences d'après tout ce qu'elle dit souvent, paraissent contre moi, je sais que je n'ai rien à me reprocher puisque j'ai toujours fait plus que nous ne pouvions pour lui assurer une tranquillité dont elle ne veut pas jouir.
Je répondrai demain à la lettre de ma sœur et vais en écrire une à M. Silvy pour lui recommander la santé de ma mère ; pour toi ma chère amie écris à ma tante , parle-lui de mes inquiétudes et des tiennes, ne parle plus affaire dans ce moment puisqu'il paraît que cela fatigue beaucoup la malade et que les médecins ne veulent pas qu'elle s'en occupe. [...]
Seulement sur la santé de ma mère , et quel que soit son embarras, si tu t'apercevais qu'elle doit être gênée pour l'argent tu lui proposeras de lui en envoyer d'avance ; je ne te parle pas voyage mais selon les circonstances je sais que tu feras tout ce qui te paraîtra convenable, je connais ton cœur, ton attachement pour moi et suis bien sûr que s'il y avait du danger pour la vie de ma mère tu ne te rappellerais plus que de la tendresse que j'ai pour elle : la lettre de ma sœur n'est pas rassurante et tout en me disant qu'il n'y a pas de danger à ce que disent les médecins, elle ne paraît pas fort rassurée.
Plus on est éloigné, plus la tête se monte et j'aime à croire que c'est sans fondement, si ma mère était dangereusement malade ce serait pour moi un chagrin de toute la vie que de me trouver éloigné d'elle, quelque dureté qu'elle m'ait témoigné depuis longtemps je crois que ma présence lui ferait éprouver quelque amélioration. Comme ce que je t'écris est entre nous absolument, je peux tout prévoir, si … elle était bien malade, tu préviendrais ma tante et lui demanderais à aller partager les soins qu'elle donne à ma mère . J'imagine que ma sœur trouverait bien les moyens de te loger si cela embarrassait ma tante , quoiqu'il fut convenable que tu fusses chez elle, les soins de Marie pourraient lui être utiles ; quant à ta fille tu la mènerais avec toi si cela paraissait plaire et Mademoiselle Sain voudrait bien s'en charger en ton absence dans le cas contraire. [...]