Lettre d'Antoinette à son fils Antoine, 15 décembre 1800

Expéditeur : Antoinette Morand
Expedié depuis : Grenoble

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Transcription

Au citoyen Morand Jouffrey, membre du conseil municipal de la commune de Lyon, à Lyon.
Grenoble, 15 xbre [décembre] 1800 [24 frimaire 1800 ou an IX]

Vous apprendrez, mon cher fils , avec satisfaction que le Buste de votre infortuné père est placé au muséum de cette ville, avec les grands hommes qu'ont produit cette province, votre sœur et votre beau-frère ont fait le sacrifice de celui qu'ils avaient, persuadés avec raison qu'il était utile pour perpétuer sa mémoire, et le classer d'une manière digne de lui. Le Muséum est à l'ancien évêché, dans un superbe espace, où se succèdent un grand nombre de salles garnies de tableaux des plus grands maîtres et de belles statues d'après l'antique. M. Jay , professeur de dessin à l'école centrale, dirige et fait une partie des frais de cet établissement avec des souscripteurs, il a placé le buste qui nous est cher dans une place très avantageuse, il y a derrière une boiserie sur laquelle on mettra le projet de la ville circulaire d'un côté et de l'autre, la gravure de son pont. Je me suis trouvé le projet mais je n'ai jamais eu la gravure du pont. Aussitôt ma lettre reçue je vous prie d'aller chez M. Bidaut lui en demander un. Je crois qu'il les vendait 7#10s. (il y en avait chez un vendeur d'estampes de la rue Mercière jadis où votre père en a acheté). Je pense qu'il ne manque pas de s'en être réservé. Et qu'il ne refusera pas de vous en remettre un pour un objet si important, envoyez-le moi tout de suite par la poste. Il faudra que je le fasse colorier. Mettre sous glace, encadrer, ainsi que l'autre plan, et que tout cela soit fait pour les premiers jours de janvier. Il me tarde de joindre à ses frais, ceux de la gravure du buste. Le défaut de moyens ne m'a pas encore permis de les faire. Cependant je veux me presser, craignant que la mort ne me surprenne avant que de satisfaire à cet égard le vœu de mon cœur.

M. Jai avait été reçu de votre père lorsqu'il alla à Rome, il en fut accueilli comme un patriote distingué par ses talents. Il a épousé une Mlle Laval, qui aimait beaucoup votre père. Elle est enchantée de pouvoir nous donner à tous une preuve de son attachement car elle a de moi une opinion bien au-dessus de celle que je mérite. Mes compliments les plus affectueux à M. Bidaut je l'aime beaucoup j'ai été sensible au dernier témoignage de son amitié. Je voudrais bien qu'il fût près de nous pour l'exécution de notre projet.

J'ai reçu avec bien de l'étonnement et de l'humeur la lettre que je vous renvoie, comment avez-vous pu négliger d'acquitter cette petite dette de votre père, la seule que je vous aie laissée, ne tardez pas de le faire, et ne nous exposez pas à être assigné.

J'aurai aujourd'hui une lettre de change sur M. Desgranges . Priez M. Tisseur de lui porter de suite les six cents livres. Il faudra que j'en rende deux cents à M. Saint-Aubin . Je vous prierai d'être exact à m'envoyer avant le quinze janvier ce que vous me devez je dois à cette époque payer la moitié de mon loyer et ne peux le différer. Mille tendres compliments à votre femme . Je suis honteuse de ne lui avoir pas écrit. Embrassez de même mes chers petits-enfants. Je désire que vous terminiez bientôt vos affaires pour les aller tous rejoindre. Je crains toujours pour vous cette maladie qui règne quoiqu'on dise qu'elle a presque cessé. Mais il est plus sûr de respirer l'air pur de Machy, dites-moi si vous avez pris les remèdes laissés sur votre cheminée, ne négligez pas les soins de votre santé c'est le premier des biens, sans celui-là, on ne peut jouir d'aucun autre. Je crois que l'exercice, un régime tempérant vous procureraient l'avantage que devrait vous donner votre forte constitution.

J'attends avec impatience l'issue de la pétition, et si nous avons trouvé M. Mayeuvre empressé à nous obliger. Votre tante vous embrasse, ainsi que tout ce qui vous appartient. J'espère que vous pourrez faire quelques jours au pritané ce que nous faisons au muséum, ce qui vous donnerait lieu d'y placer l'éloge de votre père. Je voudrais pouvoir rendre sa mémoire immortelle. Il ne peut en être de même de ma tendresse pour vous, mais vous êtes bien sûr qu'elle durera autant que l'existence de votre malheureuse mère Levet Morand .


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