Lettre d'Antoinette à son fils Antoine, 11 décembre 1800

Expéditeur : Antoinette Morand
Expedié depuis : Grenoble

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Transcription

Sans adresse
Grenoble, 20 frimaire an 9 [11 décembre 1800]

Je suis fâchée, mon cher fils , que ma première lettre ait été retardée d'un courrier. Elle avait cependant été mise à la poste bien avant midi, je vous renvoie la pétition avec les changements qui étaient nécessaires, je crois que vous serez content de l'écriture, elle est de M. de Saint-Aubin , vous ne le serez pas autant de celle de ma lettre. J'en avais bien fait d'avance le projet, mais j'attendais votre réponse pour la mettre au net. Obligée de la faire à la lumière j'y ai fait quelques fautes. D'ailleurs j'ai des distractions lorsque je me copie ; et cette vieille affaire de plus de quarante années me révolte, et me rappelle les injustices faites à votre père, et les luttes pénibles qu'elles nous ont occasionnées. Je crois avoir rempli dans la lettre de M. Mayeuvre tous les objets que vous désiriez, vous la trouverez longue. J'ai cru être obligée de l'instruire en détail de tout ce qu'a fait votre père pour la salle des spectacles pendant près de trois années, qu'il ne m'arrivât pas avec lui ce que j'éprouvai avec M. Desathonay qui, bien disposé à plaider ma cause dans l'assemblée des notables, en sortit bien persuadé qu'il avait dû être pleinement satisfait des quinze mille livres reçues. Cette somme paraissait exorbitante comparée au peu de dépense de votre père pour tout ce dont il avait été chargé. Il est vrai que M. Mayeuvre a plus de connaissance dans les arts, mais il aura besoin d'instruire les autres.

Vous aurez soin de lui nommer M. Tolosan . C'est lui qui avait fait créer l'assemblée des notables, qui cependant ne lui donnèrent pas dans la suite la préférence la place qu'il a toujours ambitionnée sans pouvoir y parvenir. Vous pourrez aussi lui nommer M. Flachat .

Je compte beaucoup pour le succès sur tout ce que vous lui direz verbalement, je lui ai écrit avec la confiance que m'inspirent les preuves d'amitié que lui et toute sa famille nous ont toujours données. Je n'ai pas le temps de recopier ma lettre. Je n'ai que celui de collationner la pétition que l'on m'apporte et ne veux pas retarder d'un courrier une affaire si pressée. J'ai eu bien de l'inquiétude lorsque je n'ai pas reçu votre lettre le mardi. J'ai cru que notre objet était manqué. Ayant appris que le conseil municipal ne restait assemblé ordinairement qu'une décade.

Je souhaite le succès d'une affaire qui ne doit rien changer à mon sort ; mais qui peut améliorer le vôtre, je l'espère de la pétition qui est parfaitement bien faite, et de l'intérêt que nos malheurs peuvent inspirer à vos amis, que sans doute vous préviendrez. Je pense que vous en avez dans l'assemblée municipale. Je suis flattée que vous y ayez été appelé, puisqu'elle est bien composée, je le suis aussi que vous soyez le collègue de M. Durand . Semblable à votre père par ses lumières, ses talents et sa probité. S'il eut conduit les réparations du pont comme je le désirais, elles eussent été moins coûteuses parce qu'il aurait été plus imposant envers l'ouvrier, et la Compagnie qui avait besoin d'être conduite et éclairée, faites-lui je vous prie mes compliments, je n'ai point oublié qu'il nous a obligés.

Je suis charmée que vous ne soyez pas mis sur la lisière, tôt ou tard vous le serez à la place que vous devriez occuper. Dites-moi si vous devez aller à Paris, peut-être aurez-vous trois affaires à y suivre. J'embrasse mes grands et petits enfants et suis toujours votre bonne et tendre mère, mettez je vous prie la date à la pétition s'il en faut une. Dans les cahiers de recette de votre père j'ai trouvé que la directrice avait cessé de payer en 1775. J'ignore si c'est vous ou moi qui avons eu la distraction de mettre 1777. Je n'ai pas besoin de vous dire de ne pas oublier de cacheter la lettre de M. Mayeuvre , j'ai pensé que vous seriez charmé de la lire.

Séance du 21 frimaire an IX, conseil municipal : « On a ensuite fait lecture d'une lettre des concessionnaires du péage du pont de bois sur le Rhône ; cette lettre était accompagnée d'un mémoire tendant à demander l'affranchissement, pour un temps déterminé, de l'imposition foncière établie sur le dit pont, et ce, en raison des réparations considérables que les actionnaires ont été obligés de faire pour le remettre en état, ce pont ayant éprouvé de grandes dégradations durant le siège, lesquelles se sont encore augmentées depuis, et jusqu'à l'époque où les dits concessionnaires en ont été remis en possession.

Les dites lettre et mémoire ont été renvoyés à la commission des travaux publics, et, sur l'observation du citoyen Morand-Jouffray (sic), qui a annoncé qu'étant membre de cette commission, et en même temps intéressé dans l'objet dont il s'agit, il ne pouvait partager les travaux de la commission dans la discussion et rapport qui auraient lieu à cet égard, l'assemblée a adjoint à la dite commission le citoyen Rozier-Magneux . » p. 13


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