Lettre d'Antoinette à son fils Antoine, 21 septembre 1800

Expéditeur : Antoinette Morand
Expedié depuis : Cossey

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Transcription

Au citoyen Morand Jouffrey, rue Saint-Dominique n° 66 à Lyon.
Cossey ce 4 complémentaire an 1800 [an VIII]

J'ai profité mon cher fils du premier jour de santé que j'ai eu pour voir M. Dérolin qui s'est trouvé heureusement à Grenoble car depuis qu'il y est arrivé il est resté avec toute sa famille et M. Jordan au bachet (qui est je crois près de Meylan). Je lui demandai s'il avait écrit à Paris pour vous y recommander, il me dit que non, ne pouvant rien ajouter à tout ce qu'il avait avancé en votre faveur : qu'il pensait toujours qu'il fallait accepter l'objet proposé par le préfet , si vous y étiez nommé. Je lui observai que voulant vous obliger, il devrait écrire pour la place que vous désiriez de préférence, en supposant que celui qui y est nommé donne sa démission. Ce qu'il ne m'a pas promis. Mais il m'a dit qu'il serait dans trois semaines à Paris, qu'il passait encore huit jours à Grenoble, ils sont bien avancés et qu'il en passerait ensuite une quinzaine à Valence, et de là se rendrait à Paris, qu'il aurait le plaisir de vous voir à son passage à Lyon, et qu'au surplus si vous aviez quelque chose de pressé à lui écrire vous pourriez lui adresser vos lettres soit à Grenoble ou à Valence qu'elles lui seraient également rendues. J'ai pensé que vous seriez charmé d'être prévenu sur sa marche pour vous tenir instruit de son arrivée. Mme est du voyage. Je crois que Mme Perrier qui doit aussi aller dans sa famille part à cette époque, elle a un grand talent pour le forte piano et un goût qui lui est propre, beaucoup de brillant et de facilité, elle est très jolie, très aimable et d'un caractère doux et liant, elle fait le bonheur de toute sa famille, elle est très amie de sa belle-sœur, Mme de Rolin qui est une femme du plus grand mérite, et qui réunit beaucoup de vertus à beaucoup d'amabilité. Leur société est une des plus agréables de Grenoble.

Je suis arrivée à Cossey il y a quelques jours, aussitôt que ma santé me l'a permis, après un dévoyement (sic) de près de trois mois une violente toux presque convulsive, des fluxions des douleurs. L'on m'a donné émitique prise purgative, et hernachique médecine. Je suis au lait d'ânesse dont j'attends un grand bien, il est dit-on bon pour du sang appauvri, le mien l'a été et l'est encore si fort par le chagrin, que je suis toujours étonnée de mon existence, et qu'il m'en reste de bon. Le lait a de la peine à passer je capitule mais je serai si raisonnable pour le régime que j'espère qu'il me réussira. [...]

Quelques nouvelles de la santé de sa « sœur », et où l'on apprend qu'Auguste est sourd.

Je ne me plaindrai pas de votre silence puisque mes plaintes sont inutiles, je ne l'aurais pas interrompu si je n'avais cru pouvoir vous écrire quelque chose d'utile à vos intérêts. Mon cher James heureusement répare vos torts ; cet aimable enfant a répondu à ma réponse, pour me rassurer sur la crainte que j'avais qu'il ne négligeât son latin, et m'a appris qu'il n'avait des maîtres d'agrément qu'aux heures de récréation ce que je trouve trop raisonnable, ce que j'appréhenderais nuisible à sa santé car c'est alors ne faire que changer le genre d'application. Il me promet de vous engager à venir me voir avec lui ; profitez du temps des vacances pour accéder à sa prière ; je prie sa maman avec instance de vous confier Albine , de se charger de l'embarras des vendanges et d'être assez généreuse de se priver quelques temps de trois êtres chers ; pour faire la joie de dix à qui elle doit quelque retour d'attachement ; qui aurait cru que votre malheureuse mère après une cruelle opération et tant de douleurs de l'a privée si longtemps de la consolation de voir un fils si a .

Je pense même que votre voyage ici ne serait pas inutile à vos intérêts, je crois que l'on entend beaucoup mieux la culture des terres que dans le Lyonnais, et je pense que les hautains double récolte, vous conviendraient à Machy où vous avez de si grands terrains. M. Daudiffret le père en avait planté avec succès à Passin malgré la prévention de ses cultivateurs, le vin qu'on y récolte n'est pas aussi bon que celui des vignes basses, mais il dédommage par la quantité.

On annonçait lorsque j'ai quitté la ville de grands changements pour le 1er vendémiaire dans toutes les autorités ; j'avais écris à vous ou à votre femme que quelqu'un de bien instruit par ses relations m'en avait prévenue. Si cela était M. de Rolin aurait une belle occasion pour vous servir.

Mille choses amicales à votre femme , à vos enfants, de ma part et de celle de tous les habitants de Cossey. Il me semble qu'il y a quelque rapport entre Cossey et Machy. Je me plains des distances qui les séparent et désire alternativement pouvoir m'y réunir avec tous mes enfants, leur y donner et recevoir les témoignages de leur tendresse.


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