Lettre d'Antoinette à son fils Antoine, 27 février 1800

Expéditeur : Antoinette Morand
Expedié depuis : Grenoble

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Transcription

Au citoyen Morand Jouffrey Juge du tribunal civil de Lyon département du Rhône rue Saint-Dominique n°66.
Grenoble, 8 ventôse an 8

La nécessité où je me trouve, mon cher fils , de rendre à un homme qui n'est rien moins que pécunieux, l'argent qu'il m'a prêté pour vivre, et la crainte que Clément n'exécute pas tout de suite le projet de venir à Grenoble, me décident à préférer que vous portiez ce que vous me restez devoir chez M. Desgranges et que vous m'en donniez avis, afin que je sache la somme pour tirer la lettre de change. Si le citoyen Clément vient dans l'intervalle et que l'on le paye ici à son arrivée je pourrais laisser son argent chez M. Desgranges jusqu'à son retour à Lyon. J'espère qu'à l'avenir vous serez plus exact à me payer ce que vous me devez, et m'éviterez des désagréments que je ne devrais pas éprouver.

Je suis très curieuse mon cher fils de savoir ce que vous alliez faire au tribunal, si de nouveaux événements vous y appellent j'espère que vous n'attendrez pas que ce soit les nouvelles publiques qui m'en instruisent. Je suis fort occupée depuis longtemps de votre sort, j'ai appris avec plaisir qu'il devait y avoir un tribunal d'appel à Lyon.

Vous ne m'avez point entretenue du séjour de M. Rolin Savoye à Lyon, des affaires que vous aviez traitées ensemble relatives à la compagnie, un de ses amis qui sait l'intérêt que j'y prends vint m'en instruire ; je suis très contente que vous soyez enfin le commissaire principal pour gérer les affaires relatives au pont et que vous ayez des adjoints qui puissent vous aider sans vous contrarier. J'ai pensé qu'il était inutile que je fusse voir M. Savoye pour le prier que le gouvernement vous fit justice sur les impositions qui ne devraient pas être perçues dans un temps où il n'y a eu que des dépenses sans recette mais je l'ai jugé parfaitement inutile, persuadée que vous n'aviez rien négligé à cet égard.

Votre sœur a été un peu incommodée par une dysenterie, l'on l'a fait vomir, elle a été purgée, et guérie, Auguste est mieux, mais on a été obligé de lui ôter son vésicatoire, ne pouvant supporter qu'on y remit la pommade épipathique, il a dansé les derniers jours de carnaval à des bals d'enfants ce qui lui a fait beaucoup de bien. Ma fille en a donné un très joli où il n'y avait que des enfants qui exécutaient très bien les contre danses. Ma sœur a un gros rhume qui n'a cependant rien d'inquiétant, elle vous fait ainsi qu'à tout ce qui vous appartient les plus tendres compliments.

J'ai eu le plaisir d'aller embrasser les dames Demeffrai qui sont de retour dans leur jolie maison de Meylan sous la surveillance de la municipalité, depuis longtemps il m'est étranger, il n'y a que celui du cœur auquel je puisse être encore sensible.

J'ai pris beaucoup de part au mariage de Mlle Mayeuvre j'aurai le plaisir d'écrire à mon ancien ami, je souhaiterais bien qu'il fût préfet , pour le bien de ma malheureuse patrie mais je crois que la loi s'oppose à ce qu'on le soit dans son pays.

Mille tendres compliments à votre femme mes petits enfants je les embrasse tous ainsi que le père que j'assure de l'attachement inaltérable de sa malheureuse mère Levet Morand.

Marquez moi je vous prie le prix du chocolat ; pour que je me le fasse rembourser et le remette au cit. Clément l'on voudrait aussi le savoir pour en faire venir d'autre.


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