Lettre d'Antoinette à son fils Antoine, 28 décembre 1798

Expéditeur : Antoinette Morand
Expedié depuis : Grenoble

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Transcription

Au citoyen Morand Jouffrey, juge du tribunal de Lyon département du Rhône, à Lyon.
Grenoble, 8 nivôse an 7 onze heures du soir

Je n'ai reçu, mon cher fils , que le 6 nivôse votre lettre datée du 24 frimaire. J'ai été aussi surprise que fâchée du changement de votre destination, si c'eut été dans la belle saison, elle vous mettait près de vos affaires et de tout ce qui vous est cher. Ce qui est bien différent dans la rigueur du froid que nous venons d'éprouver. Vous avez dû souffrir dans le mauvais gîte dont vous m'avez fait la description. J'ai appris avec plaisir que votre santé était bonne ; j'avais besoin de ce soulagement après les inquiétudes causées par votre silence. Je désire et j'espère que vous changerez bientôt de poste et que vous irez vous réunir dans la grande ville jouir de la société et de votre bien être avec votre femme et vos enfants qui doivent souffrir d'être séparés de vous.

Votre beau-frère était absent lorsque je vous écrivis ma dernière lettre, il était à Chirens avec l'abbé de Lamorte qui vient de perdre M. son père : il est venu me voir ce soir et m'a dit que malgré sa bonne volonté, il ne pouvait disposer des fonds qu'il vous destinait ; celui de qui il devait les recevoir est un négociant, l'un de ses acquéreurs ; il lui a dit que gêné dans ses affaires, il lui était impossible de le payer et lui a offert de lui en donner le double de l'intérêt qu'il n'avait payé jusque là que cinq pour cent. Les nombreuses banqueroutes qui se font sentir dans cette ville, où l'on en redoute, mettent une grande détresse dans le commerce et rendent l'argent très rare. J'ai ressenti une vraie peine de cette nouvelle ; j'en ai beaucoup à vous l'écrire. Il est heureux que M. Degatelier toujours honnête dans ses procédés, vous donne encore un trait d'amitié en vous attendant encore un peu. Je souhaite que vous fassiez quelques découvertes heureuses : elles sont bien difficiles dans la pénurie générale. Je suis étonnée que M. Desgrange n'ait pu vous procurer ce que vous désiriez, dans votre position les notaires valent mieux que les agents de change : ces derniers sont intéressés à ne faire prêter qu'à courte échéance et c'est avec la premier que des capitalistes honnêtes préfèrent un moindre intérêt et plus de sûreté. Depuis hier au soir le temps s'est extrêmement radouci. Les glaces de l'Isère qui charriait sont fondues, voilà mes craintes sur celles du Rhône détruites. Il paraît qu'il a fait aussi froid à Lyon qu'icy. Ma chère fille De montherot dont j'ai eu le plaisir de recevoir des nouvelles et à qui je vous prie de dire mille choses tendres, m'a marqué que la Saône était gelée et que le Rhône charriait. Embrasse bien tendrement tous mes enfants, recevez de la part de votre sœur , de votre tante et de Besson les expressions les plus amicales. Auguste , Olimpe veulent aussi que je parle d'eux à l'oncle à la tante au cousin et cousines ; ils viennent rendre visite à leur ressemblance. Il n'y a pas jusqu'à Louise qui ne dise aussi en les regardant : petit cousin petites cousine. Elle sera comme Léo une jolie petite créature elle est folle comme un ou comme M. son père. Je suis la grand-mère je m'oublie au milieu de mes six petits enfants. Et embrasse bien tendrement le père de le fils de sa bonne mère Levet Morand .


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