Lettre d'Antoinette à son fils Antoine, 30 août 1798

Expéditeur : Antoinette Morand
Expedié depuis : Grenoble

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Transcription

Au citoyen Morand Jouffrey juge du tribunal rue Saint-Dominique n°66 à Lyon
Grenoble 13 fructidor an 6

Je suis étonnée mon cher fils , de votre silence. Est-ce vos affaires ? Est-ce celles des autres ? qui me privent du plaisir de recevoir de vos nouvelles, et qui vous ont fait oublier de m'envoyer ce que je vous ai demandé avec tant d'instance après vous avoir exposé le pressant besoin d'avoir ce que vous me devez depuis longtemps ; comment pouvez-vous me laisser dans l'embarras ? De ne pouvoir me procurer les choses les plus nécessaires. Cette conduite est inexplicable.

J'ai vu plusieurs fois votre pré….. je l'ai entretenu de ses affaires et des vôtres, les Simon lui ont donné bien des soucis et des peines, il n'a pas fallu moins que son habileté à défendre la cause intéressante de la veuve et des orphelins pour faire triompher son bon droit et obtenir la justice, qu'on lui devait sous tous les rapports, les gens éclairés étaient persuadés qu'il ne pouvait perdre son procès, mais son adversaire accoutumé à lever la cataracte, et à employer tout le charlatanisme de son état, s'était flatté d'éloigner le jugement. Son avocat M. B. .. habile défenseur et qui connaît mieux que personne toute les ressources de la chicane, pouvait bien le seconder dans ses projets mais il paraît que l'éloquence du pré…, qui a parlé lui-même à l'audience, que ses mémoires et tout ce qu'il a fait pour l'instruction de ses juges, et leur équité naturelle décideront la fin d'un procès dont la suite ne pourrait que faire le désespoir des créanciers, le malheur de Mle Devaulx et de ses pauvres enfants. Hier les conclusions ont été en sa faveur, j'attends avec impatience le jugement qui doit être prononcé en sa faveur ! j'interromps dans le moment ma lettre par l'arrivée du pré… qui vient m'annoncer le gain de son procès tel qu'il le pouvait désirer, son adversaire est condamné à payer tout ce qu'il doit en capital intérêts et a tous les dépens (les gens dont on vante l'équité et les lumières ont fait justice), il me quitte pour écrire cette bonne nouvelle à sa femme, à M. Devaulx, il lui reste à veiller à la rédaction de l'arrêt et satisfaire les gens d'affaire, ce qui nécessite sa présence encore pour quelques jours. Il a le regret de ne pouvoir vaquer aux affaires de son tribunal, et voir au moins ses confrères avant que de s'en séparer mais il espère s'en dédommager à la fête du 18 fructidor.

Comme vous vous intéressez à Antoine vous saurez que j'ai causé avec son homme d'affaire de ses intérêts. Il paraît qu'il ne les considère pas sur ce qui se présente maintenant en jugement, qui serait une question bien simple ; mais comme faisant partie d'un tout bien important à examiner, et sur lesquels il faut entendre les parties adversaires ; puisque l'un dit que les billets font partie de la vente et l'autre qu'ils n'en sont que les intérêts. Antoine n'a point à redouter que la bienfaisance et la délicatesse puissent nuire à la justice qui lui est due. J'ai cherché à convaincre que dans cette affaire il était plus malheureux qu'adroit, et qu'à cet égard son adversaire avait sur lui de grands avantages. C'est une vérité si incontestable, qu'on n'a pu la récuser. Mais l'on m'a dit que cette affaire était au rapport d'un homme éclairé, juste, incapable de se laisser prévenir par l'adversaire par toutes sortes de raisons bien connues d'antoine. Qui devait lui-même avoir l'attention de bien instruire ses juges de la difficulté élevée entre lui et son vendeur. L'on vient de me dire qu'il vient de paraître une loi qui lui est bien favorable, elle donne deux mois en cas que l'on ne veuille pas payer ce qu'on l'on reste devoir sur le prix de l'immeuble acquit pour le faire évaluer et un an pour payer d'après cette évaluation.

Je vous écris bien des choses inutiles. Si le procès d'Antoine est jugé vous auriez eu tort de ne m'en pas instruire par l'intérêt que je vous savez que je prends à ce jeune homme.

Tout ce qui vous est cher dans ce pays jouit d'une bonne santé. Votre beau-frère est absent depuis huit jours pour une partie de chasse, l'on l'attend prochainement. Votre sœur part samedi pour Fontaine avec Auguste , elle reviendra voir sa bonne amie Mme Demontherot le 6 7bre, nous attendons avec impatience cette aimable femme qui est l'être que j'aime le plus tendrement après mes enfants et qui doit m'en entretenir. [...]

Vous ne pouvez douter du véritable attachement de votre bonne et malheureuse mère Levet ve Morand .

[...] bien des amitiés à tous vos gens ; faites-en je vous prie à la pauvre Pierrette. Et rendez-lui service si vous le pouvez dans ses affaires.


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