Lettre d’Antoinette à son fils Antoine, 12 août 1798
Expedié depuis : Grenoble
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J'ai eu le plaisir, mon cher fils , de voir avant-hier soir M. Rieussec , votre sœur et votre beau-frère et moi furent promener avec lui. Je l'ai invité à dîner aujourd'hui, je lui parlerai de l'affaire qui vous intéresse comme vous le désirez. Votre demande est fondée sur la justice. Il faut bien espérer que votre qualité de confrère et d'ami si elle ne peut vous servir auprès de lui, ne doit pas au moins vous nuire. Car la première qualité de juge est celle d'être juste.
J'ai vu par la lettre qu'il m'a remise que vous comptiez me faire passer bientôt ce que vous restez me devoir, je suis fâchée de vous l'avoir demandé inutilement d'une manière pressante. Mais le besoin que j'en ai me forçais de le faire ; j'ai lu avec le plus grand plaisir la lettre de James ; je lui sais bien bon gré de m'avoir écrit de son pur mouvement ; l'attachement qu'il témoigne au maître qui l'a enseigné, le désir qu'il a de s'appliquer et de s'instruire, la raison avec laquelle il quitte la maison paternelle, tout annonce et prouve son heureux naturel. Cet aimable enfant ne peut que se faire aimer et vous donner toutes sortes de satisfactions. La maison d'instruction où vous le placez paraît devoir mériter la préférence. Il est à désirer qu'elle puisse subsister. Je prends bien part au chagrin de Mion , d'Albine , et à celui que vous tâchez de dissimuler. Ce n'est pas sans attendrissement que j'ai lu cet article de votre lettre, il m'a rappelé celui que vous me causâtes lorsque je vous mis au collège de Thoissy. Tout ce qui m'a touchée vivement s'efface difficilement de ma mémoire et de mon cœur.
J'ai pris hier de l'épicassanta, pour vomir, depuis longtemps j'avais le cœur chargé et la tête fort embarrassée. Il m'a fait assez d'effet. J'ai été très fatiguée. Car vous savez que je ne puis pas vomir sans évanouir. Votre sœur et votre tante ne m'ont pas quittée. Je me trouve fort bien aujourd'hui. Et j'espère que la médecine de demain achèvera de me débarrasser et que je pourrai ensuite prendre les bouillons que m'avait ordonnés M. Guérin . J'étais trop fatiguée au physique et au moral pour entreprendre aucun remède avant mon départ de Lyon. Et il m'a fallu prendre un peu de repos arrivé dans ce pays cy pour vous en faire.
Il n'y a dans ce pays cy aucun M. Morinai. Ils sont deux qui ont habité Lyon dans le même temps. L'un est plus solvable que l'autre. Demandez à M. Sain si celui qui était dans la maison de Mme Rousset était nouvellement marié, ou s'il avait un enfant de neuf à dix ans. L'on m'a dit que M. Rétif était en correspondance avec l'un des deux, il me saura peut-être dire quel est celui qui habitait la maison où loge M. Sain par le contenu de la lettre, alors que je le prierai de la lui faire passer. Envoyez-moi l'adresse de M. Sain pour qu'il puisse lui faire passer la réponse ; car quoique je connaisse son logement j'ignore son numéro et comment l'on désigne la maison. [...]