Lettre d'Antoinette à son fils Antoine, 9 août 1798

Expéditeur : Antoinette Morand
Expedié depuis : Grenoble

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Transcription

Au citoyen Morand Jouffrey juge du tribunal rue Saint-Dominique n°66 à Lyon
Grenoble ce 22 thermidor an 6

J'ai reçu mon cher fils , avant-hier par M. Perrin de la part de M. Desgrange la somme de neuf cent cinquante livres dont je lui ai fait l'acquit, je vous prie de le lui dire, de l'en remercier, c'est par discrétion que je ne le fais pas/par moi-même. Avec les trois cents livres qu'il avait eu la bonté de m'avancer, cela fait la somme de douze cent cinquante livres. Pourquoi n'avez-vous pas ajouté celle dont vous me restez redevable pour les rentes viagères éteintes à notre profit. J'en avais le plus grand besoin, mes dettes payées il ne me reste que trois cent soixante et dix livres. Comment voulez-vous qu'avec cette petite somme je puisse fournir aux frais de mon ménage jusqu'au 24 7bre, effectuer mes provisions pour l'hiver, et payer les petits meubles indispensables qu'il m'a fallu remplacer. Pourquoi me mettre dans la nécessité d'emprunter ? Ne serait-ce pas à vous de m'avancer dans ce cas-là, au lieu de différer et de me mettre dans l'embarras et dans la pénurie que cause le défaut de moyens. Débutant dans une ville où je ne suis pas connue. Je ne puis prendre à crédit ni rester redevable aux ouvriers que j'emploie. L'un et l'autre répugnent à ma délicatesse. Il est étonnant qu'après vous avoir déjà expliqué dans ma précédente lettre ma position, vous ayez pu différer et me payer ce dont vous me deviez la plus grande partie en janvier et ce que vous m'aviez prié d'attendre jusqu'à la Saint-Jean.

M. et Mme Bollioud vous auront dit que j'ai eu le plaisir de les voir le plus que j'ai pu dans les vingt-quatre heures qu'ils ont passées dans cette ville. Il a été d'autant plus grand qu'il paraît que le voyage a fait du bien à tous les deux et que les eaux ont eu pour M. le succès que j'en espérais. Donnez-moi de ces nouvelles, qui doivent toujours être meilleures l'effet des eaux n'agissant que quelques temps après qu'on les a prises.

La fièvre d'Auguste l'a quitté après neuf accès, il prend encore du quina. Il a resté très maigre et très décoloré. Votre beau-frère se porte mieux. Je crains cependant que la santé du père et du fils n'empêche l'exécution du voyage projeté et que ne pouvant le faire prochainement il ne puisse aller dans le mois de 7bre à Machy comme vous le désiriez parce que c'est le temps des affaires de Besson à Fontaine. Votre sœur et lui désireraient que vous vinssiez au contraire passer en famille celui de vos vacances. Pour moi j'aurais même désir. Et je serai bien fâchée de renoncer au plaisir de réunir tous mes enfants. J'ai besoin de cette consolation pour adoucir la peine que je ressens d'être séparée de vous , de votre femme , de vos enfants. J'espère que vous ferez les uns et les autres tout ce que vous pourrez pour me procurer une satisfaction si nécessaire à mon cœur.

Je répondrai incessamment à la lettre de ma chère Albine . Tout ce qu'elle contient m'a fait le plus grand plaisir puisqu'il prouve ses succès dans tout ce qu'elle apprend. Cet aimable enfant est bien prématurée et ne peut que vous donner toutes sortes de satisfactions, donnez-moi des nouvelles de la santé de mon ami James je suis en peine de cette petite humeur qu'il a à la joue. Cela n'est pas inquiétant car il vaut mieux que l'humeur de rache ait son cours. Mais elle est mauvaise à son âge. Prend-il toujours de la fleur de pensée ? L'on vient d'en donner encore à Louise qui a aussi toujours à la tête une humeur de rache qui la fatigue et l'empêche de dormir. Je pense que la vésication de James vous aura retenu à la ville car ce moment cy n'est pas favorable à vos projets. Ne négligez point de m'entretenir en détail de tout ce qui regarde mes petits-enfants. J'ai su bien bon gré à Albine de m'instruire de la plaisante réponse d'Eléonore . Elle confirme la justesse d'esprit qu'elle a toujours annoncée, embrasse-la bien tendrement pour moi ainsi que le frère , la sœur et leur maman . Ne m'oubliez pas auprès de ma chère fille Demontherot et de ses enfants. Mme Dubois qui a eu beaucoup de chagrin d'être privée du plaisir de voir M. et Mme Bollioud est arrivée de son petit voyage en très bonne santé, les eaux de Mens lui ont fait beaucoup de bien, elle est repartie le lendemain de son arrivée pour sa maison de campagne.

Je vous avais prié mon fils de voir les Dlles Garaud, de leur faire mes compliments les plus affectueux et de les prier de dire à Mme Hache qu'il serait bien temps qu'elle vint me rendre tout ce qu'elle me doit en échange de ce que je lui ai remis. Je ne puis m'en passer, si vous avez négligé cette commission ne tardez pas plus longtemps de la remplir. Vous ne m'avez point donné des nouvelles de la santé de M. Choignard à laquelle vous savez que je prends le plus grand intérêt. Faites-lui mes compliments les plus empressés ainsi qu'à Mdm et à tous nos amis qui ont la bonté de se souvenir de moi. Donnez-moi des nouvelles de ce qui se passe dans notre ville. Quoique mes malheurs m'aient forcée de la quitter. J'y prends le plus grand intérêt. Ma sœur vous fait à tous les plus tendres compliments. Recevez l'assurance de l'attachement avec lequel je suis votre bonne Mère Levet ve Morand .


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