Lettre d'Antoine à son épouse Magdeleine, 8 septembre 1796

Expéditeur : Antoine Morand
Expedié depuis : Paris

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Transcription

A la citoyenne morand-Jouffrey dans son domaine de Machy commune de Chasselay par la petite Poste, à Lyon.
Paris, le 22 fructidor an 4 de la république

14 ii 035 039

Ce matin, ma bien aimée , j'ai reçu ta lettre du 15 de ce mois ; je voudrais bien y répondre en t'annonçant que mon affaire marche, mais quoique je sois satisfait des commissaires nommés, cela ne va pas aussi vite que je le désirerais et que cela importe attendu les circonstances. Il a fallu bien de la peine pour les réunir tous les trois, car il ne faut pas croire que les législateurs aillent aussi exactement au Conseil que les juges vont au palais. J'en suis cependant venu à bout, ils ont examiné les pièces, sont convenus des bases du décret et sont de l'avis du Directoire, c'est-à-dire 5 ans de doublement de droit et point d'exemption d'impôt. J'ai représenté pour la forme à la commission que le département en nous réduisant à ces deux espèces d'indemnités nous avait accordé le moins possible et que s'il ne convenait pas au gouvernement de nous exempter de l'impôt il fallait nous accorder une plus longue prolongation de l'accroissement du péage ; je dis que j'ai demandé cela pour la forme parce que je sens bien que ce serait accrocher l'affaire que d'apporter le moindre changement au message du Directoire et ce n'est pas mon intention.

[...]

Quant à celui des Cinq-Cents, je continue à être content de certaine personne et je n'avais qu'elle à redouter, il m'en coûte bien d'aller de temps en temps m'assurer de ses dispositions car tout ce qui s'est passé ne fait que le rendre plus méprisable aux yeux des êtres bien puissants. Le soin que je dois avoir à présent est de tout arranger de manière à faire décréter l'urgence pour que mon affaire ne soit pas retardée par l'impression et trois lectures ce qui m'éloignerait d'autant plus que nous allons avoir cinq jours complémentaires où l'on ne fera rien et que je m'étais flatté pendant quelques jours d'employer à mon voyage, je vois bien maintenant qu'il faut par prudence renoncer à ce sujet agréable puisque je ne quitterai comme tu me le conseilles qu'après la décision des Anciens. Je sais qu'ils expédient bien les affaires et j'y aurai de bonnes connaissances, mais comment se flatter que la chose passe aux deux Conseils dans les huit jours derniers de fructidor cela me paraît si impossible que je n'y compte pas du tout.

[...].

J'ai reçu enfin les mesures de souliers et les remettrai à un capitaine de cavalerie frère d'un ci-devant duc et pair qui est sans conteste le meilleur cordonnier de Paris ; en revanche les équipages les plus brillants et les plus lestes sont occupés par ceux qui étaient jadis derrière.

[...]

Je verrai ce qu'il y a de nouveau à ajouter à ta bibliothèque et le prendrai, quant aux volumes qui manquent. Je les ferai venir ensuite parce qu'il est possible que Mme Labruyère en retrouve encore quelques-uns. Il faut bien que je te poste ces petits volumes car il m'en coûte beaucoup de revenir de la capitale sans pouvoir te rien offrir d'agréable, ce sera la première fois mais aussi je n'ai jamais été aussi gêné dans mes voyages et aussi forcé de compter.

Hier le Conseil des Cinq-Cents a accordé aux tribunaux de département deux mois de fériés qui commenceront le 15 fructidor jusqu'au 15 brumaire, j'imagine que cela ne souffrira pas de difficultés au Conseil des Anciens et alors j'aurai le temps de rester un peu tranquille auprès de toi et de nos enfants ; nous réunirons notre travail pour enseigner la géographie à nos enfants, c'est une des choses qu'on peut le plus facilement enseigner en l'apprenant soi-même, et je suis à peu près dans ce cas-là car le peu que j'en ai su est bien oublié. Quant au Rhudiment, n'en fatigue pas ton fils et qu'il le prenne toujours de lui-même ; c'est une étude si rebutante qu'il faut tâcher de n'en pas dégoûter dans le principe par une application sans retenue. [...]

Adieu ma bien bonne amie , minuit sonne et je vais me coucher parce que je dois sortir demain de bonne heure. Embrasse tendrement nos trois enfants, je sais bon gré à Albine de m'avoir écrit une seconde lettre sans avoir reçu de réponse à la première ; ces papa ne se gênent pas ; je m'ennuie fort de coucher tout seul, et il me tarde bien de dormir et veiller avec toi. Mille tendres baisers partout où ils pourront t'être les plus agréables.


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