Lettre d'Antoine à sa mère Antoinette, 29 juin 1794
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Je demeure bien longtemps, mon bon ami, sans te donner directement de mes nouvelles, mais tu sais qu'un bon républicain est souvent obligé de sacrifier ses plaisirs à son devoir. [...] j'ai eu bien du plaisir, mon cher ami, à voir un citoyen qui t'avait vu et parlé et a pu me donner des nouvelles sûres de ta santé ; j'espère que l'être suprême te donnera la force, et que ton attachement pour tes amis t'inspirera le désir de conserver la vie et de supporter ton malheur ; je sais qu'ils sont de nature à n'être point affaiblis par le temps, je sais que le malheur des autres ne diminue point mais accroît au contraire celui de l'homme de bien ; cependant quand d'affreuses circonstances ont rendu l'infortune presque générale, quand on n'a pas pu l'éviter et qu'il est impossible d'y remédier, s'il est impossible de se consoler, il faut au moins avoir le courage de supporter le malheur et de se conserver pour ceux qui nous sont chers.
Si j'étais près de toi, j'adoucirais peut-être tes chagrins en les partageant ;
éloigné, je n'ai pas la force d'en parler et fais ce que je peux pour n'y pas
penser
Si je ne t'écris pas souvent mon bien tendre ami sois bien persuadé que cependant je pense sans cesse à ta position, mais j'aggrave mes maux, sans que l'expression gênée de mes sentiments puisse soulager ta douleur. Ne doute jamais de mon inaltérable attachement, et si cela peut contribuer à te donner quelque consolation, prends soin d'une vie qui m'est si chère. Embrasse pour moi tes petits-enfants tout le monde m'en dit le plus grand bien ; leur petite société et leurs caresses doivent faire quelque diversion à ta douleur ; j'embrasse ton inséparable et suis bien sûr que quel que soit son chagrin, elle l'oublie pour ne s'occuper qu'à adoucir le tien. Quant à ce qui regarde tes intérêts, je compte sur ta prudence et ton attachement et te prie de t'entendre à cet égard avec notre ami commun qui m'a donné des preuves bien rares d'un attachement dont je n'ai jamais douté.