Lettre d'Antoine à sa mère Antoinette, 15 janvier 1808

Expéditeur : Antoine Morand
Expedié depuis : Lyon

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Archives municipales de Lyon, fonds Morand, FRAC069123_14II_35_2_1808_01_15_1.jpg
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Transcription

A Madame Morand, rue Brocherie, à Grenoble
Lyon, le 15 janvier 1808

Ma femme est arrivée ce matin, ma chère maman , et en meilleure santé quant au moral, que lorsqu'elle a été vous trouver, je ne vous renouvelle pas des remerciements ou plutôt des actions de grâce sur le service que vous m'avez rendu dans cette cruelle circonstance ; mais j'en suis bien reconnaissant et je me flatte que toutes vos peines, tous vos soins ne seront pas perdus.

A 6 heures j'étais avec ma petite voiture à la porte de chez M. Dervieux , le bureau n'était pas ouvert et il faisait un temps de tous les diables, je suis revenu chez moi en laissant Vincent et je suis retourné à 7 heures. La voiture est arrivée à 7 ½ et j'ai été fort aise d'y trouver ma femme car j'avais à cet égard bien de l'incertitude d'après sa dernière lettre. Elle est fatiguée et étourdie par l'effet de la voiture, j'ai exigé qu'elle se coucha, elle se reposera du moins et j'écris dans sa chambre ; en arrivant Léo est descendue la recevoir et l'embrasser un moment après être entrée dans son appartement, Azélie et ensuite Honoré l'ont embrassée, j'ai craint un moment qu'elle ne s'attendrît trop avec ce dernier, cependant tout cela s'est mieux passé que je ne l'espérais, et peut-être sentira-t-elle qu'elle se doit aux enfants qui lui restent ; pour moi ma chère maman , l'idée de mes devoirs, le devoir de ne pas manquer à ceux qui me restent à remplir m'attachent encore à cette vie, mais je sens bien tous les jours que rien ne peut me replacer dans la position où je me trouvais et que le terrible chagrin qui pèse sur nous sera celui de toute notre vie malgré les grandes consolations qui nous restent. Mais il faut de la résignation, mais il faut que cette douleur si profonde et si durable, qui ne peut être appréciée et sentie que par des cœurs paternels, ne pèse pas sur ceux qui nous entourent et n'empoisonnent pas dans leur source, le cours des jours qui leur sont comptés. Dieu veuille que ma femme le sente comme moi, qu'elle puisse prendre du courage, le mien a souvent grand besoin d'être soutenu, mais j'espère, et si mes vœux sont exaucés à cet égard, je n'oublierai pas ma chère maman que c'est à vos bontés et à la distraction que vos soins ont procurés à votre fille que je devrai surtout le changement de son état.

Je ne compte pas aller au palais ce matin, j'avais prévenu hier ces messieurs que dans le cas où ma femme arriverait, je n'irais pas à l'audience ; M. de Montalivet n'arrivera dit-on que lundi ou mardi prochain ; il doit s'arrêter ici deux ou trois jours. J'espère bien que je le verrai un peu, mais comme tous les perrachiens sont en l'air pour lui faire la fête, il est possible que je ne le voie pas beaucoup, au reste je n'ai plus rien à lui demander et ce sera pour moi une grande satisfaction que de n'avoir que ma reconnaissance à lui exprimer.

Je vais faire mettre à la voiture de M. Dervieux deux vol. pour James et M. les lui portera sans doute demain. Embrassez-le pour moi je vous prie, il s'accoutumait à être auprès de ses deux mamans, mais il fallait bien qu'il m'en revînt au moins une des deux ; je ne peux cependant me plaindre, Léo ma petite compagne a été pour moi ma grande ressource et Honoré m'a très peu quitté.

Mercredi. Je suis sorti de l'administration des hospices et cela n'a pas été sans peine pour moi ; je vais maintenant mettre plus de temps à mes affaires du pont dont j'ai le tort de ne me mêler qu'à Paris, je vous écrirai en réponse sur les observations que vous m'avez faites il y a je vous assure bien du pour et du contre, mais sur le tout on n'est pas près de prendre un parti et vous en serez instruite auparavant. J'embrasse ma tante , mille choses de ma part à Besson , je lui écrirai aussitôt après le passage de Montalivet , et lui ferai passer ce qu'il me demande dans cinq à six jours. Léo vous embrasse de tout son cœur, elle a été bien fière de recevoir une lettre de vous d'autant plus qu'elle l'a lue couramment parce que dit-elle sa bonne maman ne griffonne pas comme son fils . Agréez ma chère maman l'expression de mon tendre et inaltérable attachement.


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