Lettre d'Antoine à son épouse Magdeleine, 6 janvier 1808

Expéditeur : Antoine Morand
Expedié depuis : Lyon

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Transcription

A Madame Morand de Jouffrey chez madame Morand rue Brocherie à Grenoble
Lyon le 6 janvier à dix heures et demi du soir

Elle lui a annoncé son souhait de revenir.

Je comptais bien, ma chère amie , écrire à maman, mais je suis rentré fort tard de l'hôpital, Léo et Honoré viennent de me quitter je sens que je ne tarderai pas à aller me coucher. [...]

Ce soir en rentrant, j'ai trouvé ta lettre, on ne peut donc répondre plus exactement. Tu sens bien que le parti que tu prends et malgré la lettre que j'avais écrite à James , est cependant fort de mon goût car je ne pouvais m'accoutumer à vivre sans toi, je voudrais seulement bien que les ouvriers se hâtassent un peu pour que je puisse débarrasser le salon de tous ces meubles. Il paraît que les sœurs d'Honoré ne comptent passer que quelques jours à Curis et alors il reviendra le mardi, quant à la petite il la fera venir ensuite lorsque chaque chose sera bien à sa place.

Comme tu le dis nous serons les premiers moments seuls et cela sera assez convenable. Il est toujours bien d'accord que tu me préviendras lorsque ton départ sera invariablement fixé.

Je te prie de charger James d'aller au lycée, de demander M. André, c'est un jeune élève qui me parut assez intéressant lorsque j'allais le voir il y a plus de deux ans. C'est le petit fils de M. Joubert un collègue à la cour d'appel ; il lui remettra 12# de la part de son grand-père pour ses étrennes et il est sur que sa visite sera reçue avec grand plaisir.

Si ce jeune homme inspire quelque intérêt à James et que maman eut la complaisance de lui donner à dîner un jour avec James et Auguste, je serais bien aise de pouvoir donner cette preuve d'amitié à un collègue que j'estime beaucoup, c'est le père du général Joubert qui a été si généralement regretté, mais dans tous les cas James ira le voir de temps en temps pour m'en donner des nouvelles. Je l'avais tout à fait oublié. M. André son père est je crois officier supérieur dans la gendarmerie. [...]

Je suis bien aise que James se soit remis à danser, engage-le à aller un peu dans le monde, qu'il n'oublie pas que M. de l'a invité à aller à ses soirées, à son âge et avec une bonne conduite et le ton plus honnête que ne l'ont les jeunes gens du moment, il est bien sûr de réussir dans la bonne compagnie et cela est agréable et utile.

D'après ce que tu me dis, ma bonne amie , je vois bien que tu craindras la société des jeunes femmes, et je sens que quand on est aussi malheureux que nous le sommes on n'est pas maître d'échapper des impressions et aux sentiments que la raison désavoue . Cependant nous ne pouvons être fâchés que mes amis ne soient pas aussi malheureux que nous et qu'une jeune femme que nous aimions bien et qui n'a pu se flatter en se mariant de devenir mère, ait cette satisfaction et la prouve à sa famille. Elle a fait une fille et se porte bien, il y a déjà plusieurs jours et je ne te l'ai pas encore et je n'ai pu sans...

Enfin, ma chère et tendre amie , courage et résignation, sans cela que deviendrions nous ? De quelle ressource serions-nous pour nos braves enfants. Je suis toujours bien content de ma Léo et Honoré lui paraît bien attaché. Embrasse James , il se faisait une douce habitude de t'avoir auprès de lui et je sens que ce ne sera pas sans une peine réciproque que vous vous quitterez. Mais il faut qu'une bonne femme quitte tout pour suivre son mari et le tien aura grand plaisir à te revoir et en attendant il t'embrasse de tout son cœur et va se coucher. Mon œil s'affaiblit beaucoup mais du reste je me porte bien. Nous avons passé la journée du dimanche chez les Second, je ne me rappelle pas si je l'ai déjà dit à James .


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