Lettre d'Antoine à sa mère Antoinette, 2 février 1806
Expedié depuis : Lyon
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Je vous dois, ma chère maman , bien des remerciements d'avoir encore pensé à ma fête ; après tout ce que vous venez de faire pour ma fille , je n'aurais pas été étonné que vous eussiez cessé de faire de la dépense pour le père. J'espère bien que vous viendrez boire avec nous de ce bon ratafiat, il n'y a que deux jours qu'il m'est arrivé, je n'y toucherai pas de longtemps car grâce à vos dons, nous en avons de plus vieux à vous offrir ; j'attends avec impatience le retour de la belle saison et le moment d'habiter et Machy et Curis puisque nous aurons le plaisir de vous y recevoir. Ce sera pour nous tous une grande jouissance et Albine sera bien fière de pouvoir offrir de nouveau à sa bonne maman son ancienne chambre, elle est toujours la même et je me rappelle bien d'y avoir récité des leçons et mon catéchisme ; d'autres appartements de ce château me rappellent d'autres souvenirs….. Enfin le bon dieu est bien bon et moi bien content de me retrouver dans le cas d'habiter à mon âge un bien où j'ai passé des moments agréables dans mon enfance et dans ma jeunesse.
Vous conservez ici, ma chère maman , beaucoup d'amis et je ne suis point étonné qu'ils vous aient donné des preuves de leur souvenir dans ces circonstances ; quant à M. et Mme Choignard nous les avons absolument perdus de vue et n'avons plus du tout le plaisir de les voir, quoique cela ne doit pas influer sur leurs rapports avec vous il est vraisemblable cependant qu'il en est résulté un peu de refroidissement. Je ne sais au reste comment cela s'est fait et à qui la faute. Quant aux conseils qu'on vous donne et aux souhaits qu'on forme pour votre retour à Lyon, je suis trop intéressé à la chose pour oser y joindre les miens ; c'est à vous ma chère maman à consulter vos forces et à examiner si le séjour de Lyon, si l'air natal ne doivent pas mieux convenir à votre santé, et quel sera le lieu où vous trouverez le plus d'adoucissements à vos peines ; les plaisirs du cœur peuvent seuls, non pas en cicatriser les blessures, mais au moins en diminuer la douleur et les rendre plus supportables. En ce qui me concerne je n'ai pas besoin d'exprimer mon vœu, vous savez bien tout le chagrin que m'a fait éprouver votre éloignement !
J'ai remis la petite note de M. de Saint-Aubin pour faire la recherche et lui enverrai cet extrait de baptême, veuillez bien me dire s'il le faut en forme et s'il est nécessaire de le faire légaliser. [...]
Ma fille est un peu fatiguée maintenant, nous la voyons souvent et sommes beaucoup en famille, elle est assez disposée à être comme son mari un peu sauvage et les visites sont toujours la chose dont on parle le plus et qu'on fait le moins.
James
travaille le matin chez
un procureur et passe l'après-midi avec nous, le carnaval fini et les jours un peu
grandis, je compte avoir quelqu'un qui lui fasse tirer parti de cette partie du jour.
Pour ne pas perdre de vue ses auteurs latins et se familiariser un peu avec les belles
lettres, je vous demanderai ma chère maman
quelques détails sur l'école de droit de Grenoble, j'imagine que vous pourrez en avoir
de bien sûrs par M. … le
Antoine n'entend plus parler du projet des Brottaux. Les Perrachiens sont toujours puissants ; le préfet va venir, bien qu'il fasse son possible pour être le moins possible à Lyon, pour n'être pas obligé d'obéir aux ordres de l'empereur, il sera bien vite entouré de tous les gens de Bellecour :
« Je ne peux lutter seul contre tant de gens et si je n'agis pas c'est que cela serait inutile, mais ce n'est pas que je n'eusse le plus grand désir de voir les embellissements de la ville se porter de ce côté-là.»