Lettre d'Antoine à sa mère Antoinette, 4 août 1801

Expéditeur : Antoine Morand
Expedié depuis : Lyon

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Archives municipales de Lyon, fonds Morand, FRAC069123_14II_35_2_1801_08_04_1.jpg
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Transcription

Adresse ?
Lyon, le 16 thermidor, lundi

Demande à sa mère d'intervenir pour qu'il ne soit pas nommé au tribunal de première instance, ce qui l'obligerait à démissionner. Une lettre à sa femme, du 19 prairial an 9, me laisse penser qu'il s'agit bien de cette année là, et de ce moment là.

[...] J'arrive de la campagne, ma chère maman ; ma femme et Albine y sont retournées et je ne suis venu à Lyon que pour présenter une pétition au projet relativement à l'impôt établi pour le pont, dieu veuille que cette demande n'ait pas le même sort que celles que nous avons si souvent formées à cet égard !

L'enflure de mes jambes est un peu moins forte, mais j'ai mal à l'œil depuis quelques jours, et je trouve que c'est allé de mal en pis car vous savez que je ne crains rien autant que ce mal d'usage auquel je ne m'habitue pas ; vous jugerez cependant qu'il n'est pas bien fort puisque je cours les grands chemins et griffonne encore le papier.

Je n'ai pas eu le plaisir de voir M. Béranger à son passage ne sachant où le trouver, indépendamment de tout intérêt, j'aurais été fort aise de le revoir, je sais qu'il est très bon à connaître sous tous les rapports et je l'avais reçu lors de sa nomination, et de son passage à Lyon, avec le grand Morand qui était lié avec lui, je ne me rappelle pas si vous étiez du dîner.

Quant à M. de Rollin , j'ai eu une correspondance très suivie, mais de mon côté seulement, il ne m'a écrit qu'une seule fois pour me témoigner et son étonnement et ses regrets de ce que je n'avais pas été nommé, je l'ai toujours tenu prévenu depuis, des démarches qu'on pourrait faire pour moi ; je ne sais s'il s'en est occupé ; je vous aurais priée de me faire recommander encore à lui parce que je crains de lui écrire, mais on m'a assuré qu'il était au moment de quitter Paris, à la vérité il est toujours partant et jamais parti, veuillez bien faire ce que vous croirez le plus convenable.

Si maintenant, vous avez quelque moyen de faire écrire justement à M. Béranger ; voilà la position des choses. Un nommé Martin Fesquet de Genève (qu'on dit négociant) a été nommé juge au tribunal d'appel de Lyon. Il est établi depuis peu à Paris où il a un grand état de maison et ne veut pas accepter. Depuis l'époque où je vous écrivis, on a nommé aux deux autres places vacantes, l'une d'elle celle de substitut du commissaire a été donnée à un nommé Carelli qui habite aussi Paris, qu'on dit très riche et ne pas devoir accepter cette place, ce qu'il y a de certain c'est qu'on n'en a pas encore de nouvelles à Lyon et qu'on ne sait s'il accepte ou s'il refuse. La place de Martin Fesquet doit donc être décidément à nommer et peut-être celle de substitut, que j'accepterais si… mais qui cependant n'est ni aussi agréable ni aussi fixe que celle de juge.

Si l'on connaissait quelqu'un à Genève ou partout ailleurs, qui fût lié avec Martin Fesquet ce serait bien en s'adressant à lui qu'on pourrait l'engager à proposer son remplaçant, parce qu'on dit qu'il a assez de crédit. Mais enfin pour sa place, celle de substitut ou toute autre, qui viendrait à vaquer au tribunal d'appel de Lyon, on peut être recommandé justement aux puissances par les moyens que vous croirez les plus décisifs. Je crois qu'il n'est pas nécessaire vis-à-vis de vous de parler de mes titres, votre attachement de mère les fera valoir mieux que moi, je vous rappellerai seulement les époques : reçu avocat au parlement de Paris en 1779 ; dans l'ordre des avocats à Lyon en 1780 ; procureur du Roy au bureau des finances de la généralité de Lyon en 1785 ; perdu mon état par la Révolution, nommé juge suppléant par les premières assemblées électorales au district de Lyon ; et juge au tribunal du Rhône par mes concitoyens en l'an 4. Les talents la réputation et le sort affreux du Père ne peuvent qu'ajouter aux droits du fils comme ancien et nouveau magistrat.

Je dois vous dire que le préfet du département, que bien des gens ont pressé à cet égard sans que j'en eusse la moindre connaissance, m'a fortement recommandé au ministre de la justice  ; que Rambaud commissaire et mon ancien ami a aussi écrit très fort en ma faveur ; que je crains que ces recommandations me fassent nommer à quelque place vacante au tribunal de première instance, et que vu la composition, je ne pourrais accepter sans perdre le peu de considération dont je peux jouir ici et que certainement rien ne pourrait me décider à accepter. Je sens cependant qu'on me saurait mauvais gré de donner ma démission, que cela pourrait ensuite me nuire, et je vous prie de me faire recommander absolument pour une place vacante au tribunal d'appel mais de manière s'il est possible à ce que ces recommandations ne me vaillent pas une place qu'il faudrait refuser. Mayeuvre Champvieux notre ami, s'agite beaucoup, lui et tant d'autres doivent avoir à Paris bien des moyens de réussir que je n'ai pas ; au reste j'avoue que je crains si fort de demander que M. Rollin est le seul à qui j'aie pu me décider à en écrire ; je ne sais si je vous ai dit, qu'on assure que c'est Mad. Prévernaux que bien vous connaissez, qui m'a fait retrancher de la composition du tribunal d'appel lors de sa formation ; cette dame est bien aimable bien rancunière et sans doute bien puissante à Paris.

Mille choses à ma tante , veuillez bien tirer surtout Desgranges le solde de ce que je dois pour le terme commencé à la Saint-Jean, seulement le premier fructidor 19 août, M. Tisseur et moi aurons soin que la somme soit prête à cette époque. J'embrasse de tout mon cœur Eléonore et son mari . Il fait ici une telle grillade que bientôt nous n'aurons plus de l'eau à boire.

Les plantations faites aux Brotteaux qui avaient bien pris sont défraîchies par cette grande chaleur et toute la campagne même la vigne souffre bien du défaut de pluie.

Je vais ajouter une demi-feuille pour pouvoir fermer cette lettre. M. Daudiffret est encore ici, il paraît que M. Desion s'est rendu à Lyon et je ne sais pas si le voyage de Daudiffret à Grenoble aura lieu. Il dit cependant qu'il compte s'y rendre incessamment pour un procès qu'il compte terminer par un arrangement. [...]


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