Lettre d'Antoinette à son fils Antoine, 19 août 1799
Expedié depuis : Grenoble
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Est-il possible, mon cher fils , que lorsque je tends les bras pour vous embrasser et que chaque jour je regarde si vous ne descendez point de la voiture du courrier qui passe à ma porte, vous m'écriviez que vous différez votre voyage de 22 jours qui sera le temps de mon déménagement, où je ne pourrai jouir du plaisir de vous voir à mon aise étant effrayée d'avance de tout l'embarras que j'aurai. Changez donc vos projets si vous voulez voir votre sœur. L'accès qui suivit celui dont je vous parlais après l'émétique a été terrible. L'on ne lui a point donné de médecine et on l'a bourrée de quina, qui a produit son effet après l'avoir bien tourmentée, l'accès d'hier a manqué et l'on espère que la fièvre ne reviendra pas. Elle a le projet lorsqu'elle sera bien rétablie d'aller avec son mari et peut-être Auguste passer quelque temps prendre l'air des montagnes. Ainsi si vous voulez la voir il faudrait venir de suite ou au moins si vous ne pouvez vous dispenser d'entrer au palais le 6 ou le 7 pour l'affaire dont vous êtes le rapporteur, arriver immédiatement après, je ne doute point que votre sœur ne diffère son départ de quelques jours pour satisfaire l'empressement qu'elle a de vous voir, je pourrai ne commencer mon déménagement que le 12 7bre. Alors en partant le 11 ou 12 fructidor nous aurions près de quinze jours à nous voir tranquillement. Il faut vous faire suppléer pour le surplus de la session et avoir l'agrément de votre président à qui je présente requête pour l'obtenir en lui faisant les plus empressés compliments. Songez mon cher fils qu'il y a bien longtemps que vous me faites espérer le bien de vous voir, que mon cœur est bien actif pour prendre patience si longtemps, et que mon âme toujours oppressée par la douleur aurait besoin de n'être pas trompée dans les consolations qu'elle se promettait.
M. Tavernier m'a renvoyé hier une lettre de change que j'ai présentée et que l'on a promis d'acquitter demain jour de son échéance. Elle est de 600 #10 s. votre beau-frère s'est chargé de faire retirer les 120# de Mme de Champvieux et votre sœur de lui envoyer la quittance. Mais j'ai été aussi surprise que fâchée de ce que vous n'avez pas joint le surplus de la somme dont vous m'êtes redevable depuis le 24 juin. Est-il possible que vous me mettiez dans le cas de ne pouvoir satisfaire à toutes les différentes dettes que vous me forcez de contracter, et de rester chaque fois devoir plus que je ne reçois après m'avoir promis la plus grande exactitude et après une maladie aussi grave. De grâce mon fils ne me mettez pas dans le cas de mériter des reproches fondés par l'état de pénurie où vous me réduisez, qui m'empêche de me procurer les choses dont j'ai le plus grand besoin. Faites que le plaisir de nous voir, celui de nous écrire puisse ne respirer que le langage de la tendresse, bannissez le ton de lamentation et faites moi oublier le passé par votre exactitude à remplir vos engagements. Voyez je vous prie M. Parat pour savoir si Clément lui a remis en son temps la lettre que j'ai eu l'honneur de lui écrire.
Votre sœur a été bien touchée de votre générosité à vouloir partager sa fièvre. Je ne vous souhaite pas un pareil remède pour diminuer votre embonpoint, c'est le cas de dire qu'il est pire que le mal. Celui d'être trop gras n'en est pas un, à votre âge il est aisé d'être toujours leste et dispos en faisant beaucoup d'exercice. Je ne puis que vous répéter que vous êtes attendu et désiré de tante , frère et sœur , nièce et neveux ainsi que notre cher James . Mille amitiés et embrassades à votre femme à Albine . Je suis fâchée que l'indisposition de la première soit aussi longue annoncez-moi votre arrivée le plus tôt possible. Aimez votre mère autant qu'elle vous aime c'est le vœu de son cœur.