Lettre d'Antoinette à son fils Antoine, 13 juillet 1799
Expedié depuis : Fontaine
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Je respire enfin mon cher fils le bon air de la campagne, j'attendais avec impatience le retour de mes forces pour pouvoir en profiter, elles reviennent lentement mais d'ailleurs ma santé est assez bonne, il me reste encore quelques douleurs vagues dans la partie faible que l'on me dit devoir se dissiper à mesure qu'elle se consolidera. Je ne suis arrivée ici que mardi, quoique je dusse partir le dimanche pour pouvoir satisfaire le désir religieux qu'avait ma sœur de voir le pape, ce qui était très difficile la garde mise à toutes les avenues de son appartement était si importante qu'il était impossible d'y parvenir ni de tenter une exception, nous l'avons vu d'une fenêtre vis-à-vis, il a une superbe figure, qui imprime le respect, il était tout vêtu de blanc et avait une calotte rouge, il paraît très affaibli, cependant il marche étant soutenu. Il parle très peu, et difficilement, il dort beaucoup et mange de bon appétit. Un grand concours de peuple s'était rendu sur les grands chemins à son arrivée, un plus grand encore l'a suivi au nombre dit on de plus de trois mille où étaient des gens de tout état. Il est arrivé à Grenoble samedi dernier et en partit mercredi ; il a eu, une petite indisposition qui n'a pas eu de suites fâcheuses. Le saint père a témoigné beaucoup d'affection à M. Duchavaux médecin de cette ville qui a été le chercher avec quatre voitures près Briançon et a été l'accompagner à valence. L'archevêque de Corinthe et celui de Tolède qui étaient ici longtemps avant lui l'ont aussi suivi c'est le premier qui est son interprète il est le seul de sa suite qui parle français.
Je me flatte mon fils que vous vous occupiez de venir me trouver vous me dites que c'est moins les affaires de votre charge qui vous retiennent que vos affaires particulières, vous avez pour les dernières un excellent substitut, et qui mettra encore plus d'activité que vous pour la rentrée de vos loyers. Si vous attendiez de n'avoir point d'affaires vous ne viendriez jamais. Je n'en ai pas de plus intéressante que le plaisir de vous voir avec le cher petit James au voyage duquel la santé n'apporte plus d'obstacle, c'est alors que je sentirai bien vivement la joie de mon rétablissement qui n'était qu'une joie triste le temps que j'ai été à Grenoble. Il serait important que vous vinssiez tout de suite pour nous pouvoir réunir. Votre sœur devant aller chez son oncle prendre les eaux de mens pour sa santé. Dans le milieu du mois d'août, ensuite viendra celui de 7bre où j'ai un déménagement à faire arrangez vous pour passer au moins trois semaines ensemble. Sans quoi la peine de se séparer serait trop près du plaisir de se revoir. Écrivez-moi aussitôt ma lettre reçue pour m'instruire de votre marche votre beau-frère se faisant un plaisir de vous aller attendre à Grenoble. Cependant, si le Drac ou ses affaires l'en empêchaient, vous trouveriez ma cuisinière chez moi qui vous recevrait de son mieux, et vous viendriez le lendemain à Fontaine à pieds, ou en voiture par le Pont de Claix si le Drac était gros. Mais je crois que toutes les neiges sont fondues car il y a près de deux mois qu'il a été d'une grande hauteur.
Je suis fâchée que le bureau central n'ait pas fait droit à votre pétition, vous redoutiez l'accroissement des impositions, les nouvelles publiques n'ont que trop prouvé que vos craintes étaient fondées mais elles pèsent sur toutes les classes de la république ; heureusement il est une dans laquelle vous ne vous trouvez pas. Nous sommes, ici, écrasés de logements de gens de guerre. Le passage est si considérable qu'il y a très peu de jours, que nous n'en avions, ils ne logent que deux jours mais ceux qui partent sont remplacés par ceux qui arrivent, j'en ai deux et votre beau-frère quatre.
J'ai trouvé mes petits enfants en bonne santé, et réussissant bien dans tous leurs petits exercices auxquels la mère les applique. Cette dernière n'est pas malade mais elle a maigri depuis sa dernière colique. Je me félicite du retour de la santé des vôtres, j'espère qu'elle sera durable c'est l'avantage que laisse la rache lorsqu'elle est passée.
Je vous prie mon fils de m'apporter un habit de velours de printemps de votre infortuné père que vous m'aviez offert si votre femme n'en a pas fait une autre destination pour couvrir quatre petites chaises que j'ai achetées de Mde Retif. Il avait je crois deux culottes. C'est celui que j'appelais habit de M. guilloud. Vous m'obligerez n'ayant rien pour le remplacer.
[...] Je ne jouis pas encore du plaisir de la promenade ayant peu de force mais j'ai le désir d'en profiter aussitôt que je le pourrai. Soyez assuré de celui que j'ai d'être aimé comme je vous aime. Je n'ai pas besoin de vous dire de m'envoyer le plus tôt possible ce que vous me devez puisque vous paraissez vous en excuser. J'ai emprunté pour payer partie de ce que je dois à M. Silvy .