Lettre d'Antoinette à son fils Antoine, 28 février 1799

Expéditeur : Antoinette Morand
Expedié depuis : Grenoble

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Archives municipales de Lyon, fonds Morand, FRAC069123_14II_31_1_1799_02_28_1.jpg
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Transcription

Au citoyen Morand Jouffrey, juge du tribunal de Lyon département du Rhône, rue Saint-Dominique n° 66 à Lyon.
Grenoble, 10 ventôse an 7

J'ai reçu mon cher fils les 528 livres qui font le solde de ce que vous me restiez devoir. Je vous prie d'être plus exact à l'avenir. Car indépendamment que vous me mettez dans le cas d'emprunter et de ne pouvoir me procurer à temps les provisions qui me sont nécessaires, vous doublez l'embarras de ceux qui me font parvenir mon argent, mettant en deux paiements tardifs ce qui n'en doit faire qu'un. Je suis encore fort arriérée et bien loin de pouvoir me procurer le linge, le meuble qui me manquent surtout si ma santé exigeait que j'allasse aux eaux.

Vous me dites que vous avez présenté en mon nom une pétition pour demander d'être maintenu jusqu'à l'expiration du bail. Je ne doute point que vous n'ayez parfaitement bien motivé les moyens que je vous avais donnés pour établir les droits que j'avais à leur justice. J'en espère le succès, si votre femme prend la peine de solliciter les administrateurs, de faire valoir les bonnes raisons qui sont en notre faveur, et surtout les peines, les malheurs de son infortuné beau père dont les travaux et le génie ont toujours été utiles à la ville de Lyon.

Vous me parlez d'une nouvelle pétition, vous demandez une prorogation, et me dites en même temps que l'on ne peut se flatter de l'obtenir parce que trop de puissances y prétendent. L'on ne pourrait donc qu'échouer. Il aurait fallu s'en occuper depuis longtemps, et le demander au gouvernement dans un temps où cet objet était inconnu aux puissances qui y prétendent maintenant. Cependant examinez encore s'il y aurait des moyens pour en rappeler. Nous avons il semble des droits sur un objet fait des deniers de votre père : en consultant la délibération consulaire, il sera difficile de le persuader puisqu'il y est dit qu'à l'expiration du bail le sieur Morand ne pourra sous aucun prétexte espérer une plus longue jouissance.

Je répugnerais à toutes autres demandes et ainsi que vous je n'aperçois pas celle que l'on pourrait faire. Il y avait un pré qui confinait celui de la Glacière du côté du nord et se terminait à une petite maison qu'on nommait le mont saint Bernard près du Rhône sur le chemin de la tête d'or. Ce pré se nommait je crois la prébende des Balmes, il appartenait à des lavaristes qui habitaient Sainte Colombe, c'est ce que vous pouvez vérifier dans les grands plans que je vous ai laissés de votre père. Il avait eu envie de l'acquérir et en avait été en marché, s'il n'était pas vendu et qu'il fût encore dans les mains de la , examinez s'il vous convient et si vous pouvez le solliciter en indemnité du tort que l'on vous a fait dans les terrains de l'héritage de votre père. Vous me dites que votre femme désirerait que vous fussiez à Paris. Il faut bien qu'elle juge que ce voyage serait utile à vos intérêts. Je vous invitais à le faire lorsque vous m'avez exposé votre crainte qu'on ne réduisit le péage à la moitié, vous ne m'avez point répondu sur cet article ni pris la peine de m'instruire de l'état de cette affaire, malgré l'inquiétude que je vous en témoignais et la prière que je vous en faisais.

J'ai été voir M. Hélie que je n'ai pas trouvé chez lui, Mde m'a dit qu'il n'était question que de mettre la traille déjà établie à deux liards, elle ne paraît pas penser que cet objet nécessitât les frais d'un voyage de Paris. Je ne puis avoir aucune opinion sur des faits qui sont pour moi incertains, écrivez à M. Hélie , consultez votre intérêt, votre compagnie je pense que vous êtes trop sage pour partir sans qu'elle vous y autorise et s'engage à en faire les frais, vous pouvez vous souvenir que je vous empêchais de partir la dernière fois sans avoir cette assurance. Mme Hélie paraît fort occupée que vous ayez au Brotteau l'écuyer qui est icy, son mari est de l'avis de la compagnie pour ne lui point accorder l'enceinte qu'il demande puisqu'elle coûterait cent louis. Mais il croit qu'il conviendrait de lui promettre un louis, ou dix écus chaque représentation. Mme Hélie désirerait que vous en écriviez de suite à son mari pour pouvoir lui rendre réponse ou que vous lui en fissiez écrire par M. Tisseur .

Depuis quelque temps mon cher fils vous m'écrivez au moment de partir pour Villefranche sans m'annoncer celui de votre retour, ni me donnez votre adresse. J'ignore alors quand ma réponse peut vous parvenir. Vous ne me parlez point de mes enfants. S'ils ont eu du plaisir à recevoir les lettres que je leur ai écrites. Seraient-ils devenus indifférents à mon égard ? Les trois que j'ai ont eu la rougeole. Auguste a commencé et l'a donnée à ses deux sœurs qui en ont eu plus que lui et ont été un peu plus malades. Le premier est parfaitement rétabli, et les deux autres en train de l'être, Besson a été un peu incommodé, ma fille fatiguée de tous ces embarras, l'en voilà heureusement délivrée.

Je félicite votre femme du bon rétablissement de sa jolie nièce, je la prie de témoigner l'intérêt que j'y prends à Mme sa sœur, comme je ne pense pas que ce soit un bonheur de prendre si jeune un état bien pénible, je désire que notre chère Albine ne le connaisse pas avant l'âge qu'avait sa mère lorsqu'elle s'est mariée. Elle est convenue avec moi que c'était être assez jeune, embrassez la pour moi bien tendrement ainsi que mes trois petits enfants, et me croyez aussi bonne grand-mère que je suis votre bonne mère Levet Morand . Ma fille , son mari , leurs enfants votre tante vous saluent, cette dernière vous remercie des papillotes, la bleue a été fort de son goût.


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