Lettre d'Antoine à son épouse Magdeleine, Non datée, probablement mardi 9 août 1796
Expedié depuis : Paris
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Je suis enchanté ma bonne amie d'avoir laissé sur ma table des papiers et que tu aies cru qu'ils m'étaient nécessaires, sans cela je n'aurais pas eu le plaisir de recevoir de tes lettres, le seul un peu vif que je puisse éprouver loin de toi.
Si nous étions ensemble à Paris, j'en trouverais sans doute à voir un peu les changements qui se sont faits dans la capitale, à voir les fêtes, spectacles & cie mais je t'avoue que rien de tout cela ne me tente beaucoup, je pense même très heureusement, vue notre position, que tout ce que je vois de nouveau et d'agréable dans les magasins ne me tente plus comme autrefois.
Je m'occupe entièrement de mon affaire et cours depuis sept heures du matin jusqu'à trois heures, le soir après dîner je me promène un peu et jusqu'à présent j'ai écrit jusqu'à minuit et me suis levé à cinq heures, je suis très échauffé mais maintenant je vais me reposer car je n'aurai que des courses à faire mais non pas à travailler chez moi.
Après-demain j'irai voir M. Vitet avec M. Narbonne , il est convenu avec ses collègues qui maintenant font bande à part, que je ne paraîtrai occupé que du soin de le ramener à ma façon de penser et que pendant ce temps-là j'agirai fortement avec eux (dont je suis infiniment content) pour préparer la décision de mon affaire ; ils ne doutent pas, vu le peu de crédit dont il jouit dans cet instant, que nous ne l'emportions, mais cependant ce diable d'homme m'inquiète, il est si aisé de nuire ! Je n'aurais pas tenu ma chère amie au double péage si je pouvais faire autrement et ne suis pas plus inquiet que toi sur les conséquences que cela pourrait avoir pour moi [...]. Je regarde l'affaire comme très mauvaise si nous n'obtenions pas le doublement de péage pendant quelques années.
[...]
Je suis désolé, ma bonne amie , de la scène que t'a faite ma mère , je peux et je dois oublier tout ce qu'elle me fait depuis longtemps, mais si elle m'attaque dans ce que j'ai de plus cher je sens qu'il me serait impossible de l'oublier ; peut-être serait-il convenable pendant mon absence de charger un étranger de voir M. Choignard pour qu'on s'entende au moins sur les papiers et autres objets que je réclame, je penserai à cela, et alors j'enverrai une procuration s'il le faut à M. Petit que je crois être la personne qui pourra le mieux me servir dans cette affaire. Mais il faut pour cela que tu puisses revenir quelques jours à Lyon. Tu verras lorsque l'histoire du blé sera avancée si tu peux quitter Machy quelques jours, tu m'en préviendrais huit jours d'avance et j'écrirais alors à M. Petit que je verrai ainsi que Choignard , au reste je t'écris tout cela sans l'avoir bien réfléchi et tu me diras ce que tu penses de l'idée de faire suivre cette affaire en mon absence et par un homme d'affaire ; j'en préviendrai Choignard et nous arrangerions cela de manière à ne le point fâcher, mais au contraire comme voulant le débarrasser de la peine qu'il éprouve à se mettre entre le fils et la mère.
Je te prie de bien lire la note que j'ai laissée à Machy et d'en faire faire ce que tu pourras, écris à Mollin pour qu'il vienne te voir et greffer les arbres qui sont dans le jardin Monnier, il choisira les qualités qu'il voudra dans le jardin, mais quant aux cerisiers je voudrais griottes et du rennes ou cerises tardives ; au reste il fera ce qu'il voudra, mais tu auras le plaisir de l'avoir deux ou trois jours et tu le prieras surtout de tâcher de nous trouver à la campagne un millier d'écus à emprunter à 5%, je lui en avais parlé, il me l'a fait espérer et tu pourras bien lui prouver que nous sommes forcés dans les circonstances d'emprunter plutôt que de vendre ; tout est tombé ici, en fait d'immeubles. D'une manière effrayante et quelqu'un qui aurait deux cent mille livres de numéraire se ferait à Paris en bonnes terres et en hôtel au moins 25000 livres de rentes.
[...]
J'embrasse de tout mon cœur nos jolis enfants on n'en voit pas beaucoup comme ceux-là mais il faut bien croire que les yeux des pères sont indulgents.