Lettre d'Antoinette à son fils Antoine, 9 novembre 1794
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Tu as eu raison mon cher ami de penser qu'il fallait me rassurer par toi-même sur l'état de ta santé. C'est déjà pour moi une grande privation que de n'en pas recevoir directement, depuis longtemps : j'ai toutes les grandes douleurs accompagnées de l'abandon de ce qui m'était si cher, je ne sais comment j'ai pu supporter tant de maux. Je les ai soufferts sans m'être ni résignée ni soumise. Je demande à dieu la grâce d'apprendre à les supporter sans me plaindre.
Je crains que ce que tu as écrit être une indisposition n'ait été une maladie. Il est incroyable qu'à ton âge tu aies été attaqué d'un troisième rhumatisme. Il faudra je pense d'après le conseil de médecins éclairés aller prendre les eaux d'Aix c'est je crois celles qui sont le plus salutaires aux douleurs ; avant que de quitter la ville que tu habites prends des informations sur celles de Monestier ; il te serait agréable d'aller dans un pays où l'on a autant de bonté pour toi. As-tu fais trop bonne chère (sic), l'air est-il trop vif, je l'aurais cru favorable à ton embonpoint et analogue à un tempérament qui en tire son origine. Remercie pour moi notre cher parent et nos chères parentes. Il faut qu'elles aient eu bien de la patience ; car ainsi que tu l'observes tu es bien mauvais malade. J'avais prié Mion de leur en témoigner ma reconnaissance ; si elle l'a oublié je te prie de les en entretenir. Leurs malheurs et leurs vertus m'ont toujours inspiré pour elles une véritable estime. Je ne croirai pas en éprouver de plus grand avec bien moins de ressources. Je ne peux savoir le véritable état de ta santé, aucun de ceux qui t'ont vu n'étant chargé de me voir.
Ma chère compagne a partagé mes inquiétudes, elle seule me soutient et a pitié de mon chagrin, elle me permet de les entretenir. Sans son courage et son bon cœur que serais-je devenue ! Elle te fait ainsi qu'à notre parent et parentes les plus affectueux, compliments. Je suis en correspondance avec ma chère Albine. Cette chère enfant est bien prématurée pour l'esprit et la raison. Son frère est aussi un charmant enfant par sa figure et son bon cœur.
La femme de Jean sans être malade éprouve bien des petits
maux et beaucoup d'insomnies. Elle est toujours plongée dans la plus profonde
douleur. La raison et la réflexion ne peuvent qu'ajouter à ses peines, elle prie
chaque jour l'éternel d'avoir pitié d'elle sans l'obtenir, le local, le malheur
des uns, le bonheur des autres, ne servent qu'à la
Tu auras su que Paul [Besson] est libre depuis près d'un mois. Qu'il a été embrasser sa prétendue et qu'il se flatte de la posséder bientôt. J'ai vu le fils de ma meilleure amie après bien des ennuis, l'on a rendu justice à son civisme. Il est épuré et va voir dans peu sa digne mère ; il a cependant encore quelques affaires à terminer à Grenoble. Tout prend une tournure tranquille. La justice est à l'ordre du jour. Il n'y en a point pour moi où je ne désire te voir et te donner des preuves de ma tendresse.