Lettre d'Antoine à son épouse Magdeleine, 30 août 1794

Expéditeur : Antoine Morand
Expedié depuis : Lieu d’expédition inconnu

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Transcription

Pour remettre à la citoyenne
Le 13 fructidor l'an 2 de la République une, indivisible et démocratique

La levée des séquestres sur Machy date du 7 fructidor an 2.

Avant-hier, ma bien aimée , j'ai reçu ta lettre du 8, et tu juges bien qu'elle m'a fait ressentir la satisfaction la plus vive ; le lieu d'où elle est datée, la pièce qu'elle contient, les nouvelles que tu m'y donnes, les détails dans lesquels tu entres, tout ma chère amie était fort de mon goût, je l'ai déjà relue bien souvent et quoique ce soit après mon usage pour la dernière reçue je conviens que celle-ci est faite pour avoir la préférence sur d'autres.

Tu n'auras sûrement pas été fort contente de mon dernier petit billet, ton attention (sic) de m'instruire sur le champ de tes succès méritait ce semble une réponse un peu plus longue ; mais indépendamment d'affaires qu'il ne dépendait pas de moi de renvoyer, je n'étais vraiment pas en état d'écrire mon cœur était trop plein et je ne pouvais exprimer ce qu'il sentait quoi que je n'aie pas reçu la lettre écrite la veille, qui comme je crois te l'avoir dit, ne m'est parvenue qu'après, j'étais loin d'espérer la fin de cette affaire quelque juste que fut ta demande ; cette nouvelle inattendue, le plaisir de voir toutes tes peines couronnées par le succès, le tableau reçu d'un coup d'œil, de tout ce que tu avais fait pour ton ami, un mouvement de joie dont on ne se croyait plus susceptible, tout cela m'avait jeté dans un trouble inexprimable. Tendre épouse , bonne mère , jamais non jamais ceux qui te doivent tant ne pourront s'acquitter envers toi ; mon attachement, mon estime pour toi n'étaient pas susceptibles d'augmentation, cependant que de nouveaux droits tu acquiers à ma reconnaissance et à mon amour. Que de plaisirs je trouverai à t'en entretenir et à contribuer à ton bonheur ! Des circonstances terribles n'ont servi qu'à développer ton courage et ta vertu ; [jouir/jouis] de ton ouvrage, de l'estime des braves gens, du tendre attachement de tes amis, et de la satisfaction intérieure d'avoir fait bien au-delà de ton devoir.

L'accueil que t'ont fait ces braves gens est bien flatteur, l'amitié qu'ils me témoignent m'est bien précieuse ; oui ma tendre amie , le moment viendra où les Français n'ayant plus d'ennemis à vaincre, rentreront paisiblement dans leurs foyers ; alors j'irai joindre mes soins à ceux de la fermière pour augmenter par le travail notre propriété, parce qu'alors c'est un bien particulier qui tourne au bien général, je lui aiderai à former de bons citoyens et bonnes mères de famille (car à cet égard il faut doubler au moins nos richesses), je me réunirai à elle pour rendre service à nos voisins ; que de dettes à acquitter ! que de devoirs bien doux à remplir.

[...]

Je suis bien aise que les petits amis restent à la campagne, la maman , je le sens, ne peut pas se livrer encore au plaisir d'y séjourner avec eux et je crains bien malgré l'échange de … dont elle dit un mot qu'elle ne soit trop sage et ne veuille me forcer à l'être aussi, cependant laisse-moi nourrir cette idée délicieuse, je suis bien seul, bien isolé et j'ai besoin d'espoirs ; je ne m'y livre cependant qu'avec modération pour n'avoir pas ensuite trop à décompter. Je désire cet instant avec toute l'ardeur dont je suis susceptible et je sens cependant que j'aurai de la peine à suffire à ma joie, mais nous traiterons cet article dans une autre lettre, il est assez intéressant pour n'être pas négligé.

Je suis bien aise qu'on t'ait rendu toutes les pièces originales qui venaient à l'appui de ta demande ; tu feras bien à la première occasion d'avoir une copie en forme de l'arrêté du district que tu joindras à tes autres papiers et dont tu me feras passer copie de ta main, seulement pour satisfaire ma curiosité. J'approuve infiniment ta manière généreuse d'agir, il n'y a pas à hésiter dans de pareilles occasions et je crois que tu n'as pas douté que ton bon ami n'applaudît au parti que tu prenais ; une fois pour toutes, rends-lui compte de ce que tu fais parce que rien de ce qui te regarde ne peut lui être indifférent, mais fais, défais, achète, vends, ainsi que tu le croiras plus convenable aux intérêts de la communauté et surtout des petits, c'est maintenant toi qui tiens le gouvernail, tu sais éviter la tempête dans des moments bien orageux, et le petit vaisseau a gagné à changer de conducteur. Au reste ma bonne amie , je n'avais pas besoin de toutes ces circonstances, pour avoir en toi cette entière confiance, je le devais à ton ordre et à tes vertus, et dans aucun temps, je ne crois pas qu'il me soit arrivé de ne pas trouver fort bon tout ce que tu faisais, il n'est qu'une chose que tu as soin d'excepter aussi, de celles que tu as été obligée de faire, j'avoue que de tous les biens, c'est celui auquel j'attache le plus de prix, mais comme tu le sais, je suis tranquille à cet égard et ai pour garants de ta conduite, tes principes et ton attachement pour moi ; nous avons trop de tendresse l'un pour l'autre pour avoir jamais aucun reproche à nous faire sur cet article, sensibles comme nous le sommes tous les deux, le plus léger doute suffirait pour anéantir le bonheur de tous les deux. [...]


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