Lettre d'Antoine à sa mère Antoinette, 13 octobre 1794

Expéditeur : Antoine Morand
Expedié depuis : Lieu d’expédition inconnu

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Transcription

A la citoyenne Morand La Mère rue Chalier, à Commune Affranchie
Le 22 vendémiaire l'an 3 de l'ère républicaine

Ma chère et tendre amie,

La maladie est venue succéder aux circonstances, et continuer de me priver du plaisir et de la consolation de m'entretenir quelquefois avec vous ; mon mal n'a point été aussi violent que dans les autres attaques, les douleurs n'ont point été aussi aiguës, aussi vagues, et cependant la fièvre, les sueurs ont été aussi fortes et la première ne peut se décider à me quitter, à la vérité les accès qui sont revenus, bien contre mon attente et mon espoir, ne sont point considérables et peuvent me laisser croire que j'en serai bientôt débarrassé [...].

Vous voyez que je ne crains pas de vous parler en détail de ma santé, avant de vous demander des nouvelles de la vôtre. Mais je sais que vous êtes instruite de ma maladie, je connais toute votre tendresse, et je ne doute pas que vous ne soyez en peine sur mon compte, et bien aise d'être rassurée par moi-même.

Je m'étais flatté que vous auriez pu aller passer quelque temps à la campagne, vous aviez tant besoin de sortir d'où vous êtes ! j'ai donc appris avec peine que les circonstances mêmes de votre Malheur vous obligeaient à ne pas quitter votre poste. Tout paraît devoir nous faire espérer plus de tranquillité et de calme ; l'énergie de la Convention en communique enfin aux vrais républicains dont les voix étaient étouffées par celles des intrigants ; les changements ne peuvent qu'apporter des adoucissements à vos maux, mais je sens très bien qu'il en est d'irréparables, et le changement de ma position, l'espérance même dont je ne peux quelque fois me défendre de me retrouver quelques jours au milieu de ce qui me reste de cher, rien ne peut me faire oublier ce que j'ai perdu, j'ai étourdi ma douleur tant que j'ai pu mais je sens qu'elle renaît sans cesse, et le calme douloureux de la maladie, la faiblesse qui l'accompagne ont bien contribué à la nourrir et à la redoubler.

Mais vous parler de mon chagrin c'est ajouter au vôtre, n'en parlons donc plus que lorsque nous pourrons mêler nos larmes alors seulement ce peut être un adoucissement à nos peines.

[...]

Mille choses tendres à votre inséparable, c'est pour moi une grande consolation de me trouver entouré de gens avec lesquels je peux parler de toutes deux ; j'espère que le moment viendra où vous pourrez aller passer quelques jours avec Mion et nos petits amis ; elle a bien besoin de jouir de quelque tranquillité à la campagne, jamais la tendresse de ce qui lui est cher ne pourra acquitter tout ce que lui doivent ses enfants et leur père. Adieu chère et tendre amie, du courage et de l'espoir, si vous ne pouvez plus prétendre à un parfait il peut exister encore pour vous bien des consolations et des jouissances et c'est là-dessus que doit s'arrêter votre regard pour le rétablissement de votre santé et le bonheur de ceux qui vous aiment.


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